À propos des Apprentis

Judith
Cahen

Cinéaste

Ce film m'a fait rire aux larmes. Il appartient à la veine des films que j'appellerais "films de grands adolescents attardés", comme on dit "films d'amour" ou "films de guerre" et dont le chef d'oeuvre classique du genre est, pour moi, les Vittelloni de Fellini. Dans cette lignée, Les Apprentis réussit à faire vivre, dans un contexte parisien contemporain, deux personnages aussi drôles qu'attachants. Antoine et Frédéric sont à l'exact opposé du personnage de "battant". Leur cohabitation de grands garçons décalés, paresseux et immatures est le point de départ d'une très belle histoire d'amitié. Le titre, "Les Apprentis", est un clin d'oeil amusant à l'univers des films de mafia. Salvadori joue avec humour des codes attendus de la communauté masculine. Ici, le lien de compagnonnage, loin de mettre en scène la virilité, révèle surtout la commune inadaptation des deux comparses. Leurs maladresses et leurs scrupules les empêchent tout autant de cambrioler efficacement une entreprise que de s'y épanouir. C'est dans cette inadéquation au monde qu'ils accèdent à la dimension de personnages burlesques. Et s'il y a initiation, "apprentissage", ce n'est pas celui des codes mafieux, mais plutôt celui de leur amitié. Si la drôlerie de leurs aventures est aussi cruelle que touchante, c'est qu'il s'agit pour eux d'accepter la dose d'amour retenu qui s'était installée au coeur de leur compagnonnage de fortune. Leur simple cohabitation de circonstance, pleine de chamailleries un peu potaches doit se transformer. Ce qu'ils prenaient pour du simple bon voisinage se révèle le point d'appui de leur nouvelle vie. Une quête solidaire va remplacer l'expérience de leurs deux marginalités parallèles. Au sein de leur "couple", si l'homosexualité est pudiquement évitée, ce n'est pas par homophobie, mais plutôt par l'intuition farouche qu'ils se refermeraient alors définitivement sur eux-mêmes. Ainsi, ils s'efforcent de garder contact avec le monde extérieur, de continuer à faire vivre l'espoir de rencontres ou de retrouvailles amoureuses. Les réactions des personnages féminins sont agréablement étonnantes ; elles bousculent ainsi l'immaturité frileuse des deux personnages. Leur amitié nous apparaît comme elle finit par leur apparaître à eux-mêmes, dans ce qu'elle a de plus précieux : une communauté tendre et généreuse d'où ils peuvent s'aider à repartir vers le monde.

Judith Cahen

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Cinéaste


Publié le lundi 18 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Les Apprentis

Un film de Pierre Salvadori
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