Séparées de ses parents, d'une famille, de son histoire, de son pays, déchirée, abandonnée puis adoptée… Là est la violence première à l'origine du film, violence contre laquelle Sophie Bredier devant la caméra, Myriam Aziza derrière, vont se battre sans concession.
_ Il y a dans ce film une urgence absolue à filmer, à accomplir un travail de mémoire, à faire le deuil de cette blessure première de la petite fille, à retourner à ce point exact où le fil a été coupé : dans ce quartier déshérité de Séoul, au sortir de la guerre de Corée, où Sophie a été abandonnée par son père puis adoptée par une famille française.
_ Un film limite, sur le fil du rasoir, où constamment le cinéma travaille dans cette lutte titanesque contre l'oubli… Et le cinéma surgit au détour d'un rien, du souvenir de l'ombre d'une religieuse, du goût si précis d'une petite fleur rouge que Sophie suçote dans le jardin de l'orphelinat de sa petite enfance.
_ Une quête passionnée, sans concession, contre l'inhumanité de l'homme où l'abandon et l'adoption seraient, en quelque sorte, devenus normalité. Un film d'une sincérité et d'une rectitude absolue où les deux cinéastes se refusent à utiliser les enfants comme instruments de leur quête (nous ne verrons jamais ceux de l'orphelinat) et où l'une des réalisatrices, par souci d'intégrité, se met dans l'image, à égalité avec ces hommes et femmes dont elle cherche à débusquer la violence. La mise en danger est alors totale… fascinante !
Jusqu'à cette image du sourire de Sophie envers la dernière femme rencontrée, la seule à pleurer l'abandon de son enfant. Dans ce regard entre les deux femmes passe une lueur de réconciliation…
Que dire de plus : c'est magnifique !
Publié le lundi 18 septembre 2017