Que peut/veut l'éducation au cinéma ?


Cinéastes de l'ACID

Personne n'oserait remettre en cause publiquement l'éducation au cinéma : sa nécessité semble acquise, et partout, on se gargarise de citoyenneté, d'accès aux œuvres, de développement de l'esprit critique… Unanimisme apparent qui dissimule une réalité bien moins reluisante. Cette rentrée 2023 nous conduit à nous joindre aux enseignants et fédérations alertant médias et autorités suite aux dernières annonces en date, et à rappeler que l'éducation au cinéma n'est pas un label de plus (une sorte de citizenwashing) mais le résultat d'une lutte et d'une histoire de l'émancipation, depuis les ciné-clubs de l'éducation populaire aux grands dispositifs nationaux. Mais quand on parle d'éducation au cinéma de quoi parle-t-on ? Et surtout que veut-on ? 

Absorption définitive de l'éducation au cinéma dans « l'éducation à l'image », avalanche de nouvelles opérations, concours, qui s'empilent sans logique apparente, aux objectifs parfois louables mais sans accompagnement dédié, les évolutions récentes peuvent créer une confusion dommageable, déroutante autant pour les enseignants que pour les cinéastes intervenants. Le rôle de la formation est ici crucial. Fondée sur une collaboration entre les acteurs de l'Education Nationale et de la Culture, conventionnée et adossée aux dispositifs, elle se tient, le plus souvent, dans les salles, et permet aux enseignants de bénéficier d'un accompagnement de la part de professionnels du cinéma. En plein cœur de l'été, par deux décrets, le ministère de l'Education Nationale se prépare à torpiller ce fragile écosystème. Les enseignants seront désormais invités à se former « hors temps scolaire », et ce, pour pallier un déficit de professeurs, résultat d'années de politiques ayant asséché le contingent de remplaçants. Cette annonce a été faite en cavalier seul de la part d'un ministère de l'Éducation qui n'a aucunement consulté ses partenaires de la Culture, encore moins le CNC qui l'a découvert tardivement. Tandis, et au même moment, que le rapport de la Cour des comptes sur le CNC s'interroge sur la « rentabilité » de certains films, une petite musique s'élève pour critiquer et reconsidérer certains projets cinéma exigeants, davantage axés sur une approche sensible et sur la pratique des élèves, expériences jugées elles aussi peu « rentables » car ne « touchant » qu'un petit nombre. Ces diverses annonces, précipitées, contradictoires, nous rappellent que les angles morts de l'éducation, et de la pédagogie du cinéma, doivent être pensés bien au-delà des consensus rassurants et dans leur dimension politique. 

Cinéastes de l'ACID


Publié le jeudi 05 octobre 2023

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