Quelle tombe creusent les fossoyeurs de culture ?


Cinéastes de l'ACID

Depuis plusieurs années, la culture et le cinéma indépendant subissent une érosion lente et systématique. Les récentes coupes budgétaires dans les collectivités territoriales touchant des dispositifs tels que "Collège au Cinéma" ou des institutions comme la Maison Julien Gracq, en sont la dernière indication à date. Une réalité qui, au-delà des chiffres, illustre une vision réductrice et dangereuse : la culture pensée comme variable d'ajustement, jusqu'à devenir pour certains une cible politique. 

Déjà mise en péril par sa qualification comme "non essentielle" pendant la crise sanitaire du Covid, la culture est reléguée au rang de compétence "non obligatoire". Contrairement à l'éducation ou la santé, la culture ne bénéficie donc d'aucune protection structurelle ; elle devient alors l'un des premiers domaines sacrifiés face aux contraintes budgétaires. 

Une logique, comptable à première vue, qui nie son rôle fondamental dans la construction de l'esprit critique et du vivre-ensemble : cela n'est pas anodin. Et au-delà des coupes, se cache une volonté de déprécier la culture, souvent caricaturée comme un luxe élitiste ou un repaire d'"associations politisées" (sous-entendu : politiquement de gauche). Ces discours, portés par certains élus, traduisent d'une part une méconnaissance de la diversité politique des acteurs culturels, et de l'autre – plus inquiétant – la libération d'une parole anti-culturelle, accompagnée d'un silence complice d'une partie de la classe politique. En témoignent les déclarations idéologiques qui accompagnent la réduction drastique de 73 % du budget alloué à la culture en Pays de la Loire. 

L'argument régulièrement brandi de la rentabilité trahit une vraie incompréhension (ou un désintérêt) des enjeux même de la culture. Pourvoyeuse importante d'emplois, elle n'a pas pour autant vocation à s'articuler à l'aune des profits financiers. Qu'une forme de protectionnisme existe à l'égard des biens culturels est inhérent à leur nature même, sans quoi la seule culture qui s'impose à tous est celle validée par le marché – ou par le pouvoir. 


S'attacher à nourrir nos imaginaires, à déconstruire les clichés, à faire vivre la diversité et à nous offrir des récits alternatifs et collectifs, voilà ce que toute société attend de la culture. Nous savons bien que dans un monde en crise, ce n'est pas en rétrécissant les perspectives et en limitant les imaginaires que l'on s'en sort. Aucun état, aucune société, n'a jamais été sauvé à coup de pénitences budgétaires. 

Défendre le cinéma indépendant et la culture, son accès pour toutes et tous en général, c'est refuser de voir l'obscurantisme prendre racine. C'est affirmer que l'accès à l'art et au savoir qu'il prodigue est un droit, et non un privilège. Que la culture n'est pas un supplément d'âme anecdotique mais bien le socle fondamental d'une société éclairée. "La culture, ce n'est pas ce qui reste quand on a tout oublié, mais ce qui reste à connaître quand on ne vous a rien enseigné", rappelait Jean Vilar. 

Dans un moment historique comme celui que nous vivons, où certains détenteurs du pouvoir financier n'ont jamais été aussi proches du programme de l'extrême-droite, il nous revient de nous mobiliser, de ne pas laisser les coupes budgétaires grignoter ce qui fait société. Ce dont les décideurs actuels seront comptables ensuite sera infiniment plus grave que des points de PIB. La culture n'est pas un luxe, elle est une nécessité, il nous appartient à toutes et tous de la défendre.

Cinéastes de l'ACID


Publié le lundi 02 décembre 2024

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