Question d'indépendance

Lucas
Belvaux

Cinéaste

Depuis la création de l'Agence du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion, partout où elle est présente, se pose la question du "i" de Acid.

En quoi sommes nous "indépendants", de qui, de quoi, qu'est-ce que le cinéma indépendant ?

Un peu lâchement, je dirais que la réponse est dans la liste des films défendus par la susdite agence (…),

Mais comme l'indépendance revendiquée demande un minimum de courage, je suis bien obligé de me jeter à l'eau.


 

Première définition

A l'origine, c'est d'abord un problème de coût (de sous).

Le cinéma coûte cher, de plus en plus, cher à faire, cher à montrer.

Avant toute chose, le cinéaste doit donc réunir la somme nécessaire à son expression, en général plusieurs millions.

Les mécènes se faisant rares, c'est vers les financiers qu'il faut se tourner.

L'intérêt de ces derniers n'étant pas le cinéma mais la finance, ils veulent être rassurés, ils demandent des gages, des garanties.

Le cinéaste indépendant n'en donne pas.

Celui qui en donne, n'est pas indépendant, on peut légitimement se demander s'il est cinéaste.

On peut même répondre que non.

S'il n'y a pas de cinéaste où il n'y a pas d'indépendance,

le cinéma indépendant est le cinéma, nous l'appellerons donc le cinéma.

L'autre, n'étant que la branche "image et son" de l'industrie, sera appelé cinéma industriel.


 

Deuxième définition

(…) 

le cinéma est un art et l'industrie est son contraire.

Et quand l'art perd du terrain, l'industrie en gagne.

Multisalles, mégacomplexes, groupes multimédias, produits, parts de marché, box-office, GATT.

Pas de place là-dedans pour l'art, fut-ce le septième.

Le cinéaste est un artiste, et s'il refuse de donner des garanties, c'est à ce titre.


 

Troisième définition

Car nul ne peut dire si un film plaira ou pas, on le fait comme on croit devoir le faire et on le revendique.

Celui qui fait des concessions pour plaire est au mieux un faiseur, au pire un escroc, pas un créateur.

On peut manquer de talent ou d'inspiration, et même ne pas en avoir du tout, ce n'est pas un crime.

C'en est un de renoncer à ce qu'on croit.

On rêve un film avant de le tourner, de quoi rêvent-ils ceux qui parlent "d'usines à rêves" ?

De rêves manufacturés ?

L'indépendance, c'est la singularité du rêve, l'unicité du point de vue.

C'est préférer l'acteur que demande le rôle à celui qu'attend le public.

C'est choisir de s'adresser à des spectateurs plutôt qu'à une foule hypothétique.


 

Et l'ACID dans tout ça ?


Face à une industrie qui ne jure plus que par le star system, enfermant les festivals dans des blokhaus où tout ce qui ne fait pas partie de "la profession" est exclu, l'ACID se veut passerelle entre films et salles indépendantes (indépendantes de qui, de quoi ? Voir plus haut, "cinéma indépendant"). 

Outil au service de ceux qui font, montrent ou voient des films, elle essaie d'être partout où une curiosité, un désir de différence se manifestent, partout où les cinémas n'ont pas l'air de supermarchés, où les films ressemblent à ceux qui les ont faits.




in Edito pour les Rencontres cinématographiques de Dunkerque 


Lucas Belvaux

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Cinéaste


Publié le lundi 23 octobre 2017

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