_ Je suis dans un drôle d'état pour écrire ces lignes, les tours viennent de tomber et je ne peux pas m'empêcher de penser à la violence à venir de la puissance impériale contre les coupables. Horreur qui préside à la logique de ceux qui s'arrogent le droit de la mort, calculant avec cynisme que la réponse qui viendra sera elle aussi dans l'horreur de la responsabilité collective. Miroir de l'horreur. Cette logique est présente dans le film de Merzak, entre la mort de l'embuscade de L'Autre monde et l'acte de guerre d'aujourd'hui, la logique est la même, seule l'échelle change. Double chantage où la désertion est condamnée à mort. Dans le film de Merzak, la position de l'exil est la réponse à l'horreur. Quand le personnage principal, madone et à la fois Antigone quitte son exil pour rechercher son amant déserteur, sa trajectoire ne peut se terminer que dans un no man's land. Seul lien où la liberté, l'amour est possible, exil intérieur illusoire qui sera détruit par un autre déserteur qui lui ne peut imaginer l'exil. Qui ne peut le faire tant le lieu qu'il déserte, un maquis islamiste, lui a appris que le moteur de l'Histoire et de son intimité est la frustration. La position de l'exil n'est pas présente comme question, pour les personnages, elle organise la fiction comme les cadres. La position de l'héroïne, Yasmine, permet au spectateur d'être à la bonne distance pour comprendre la réalité complexe que décrit Merzak. Le voyage de Yasmine à travers l'Algérie des maquis, l'Algérie urbaine et celle du désert, est filmé de cette position particulière du regard de l'exilé, fait à la fois de fascination et de familiarité. Le film de Merzak est aussi un magnifique film sur le désir et la perte. Je me sens désolé de l'écrire aujourd'hui car le sentiment de plaisir intense que j'ai eu pendant la projection me semble aujourd'hui difficile à décrire. Mais les tours qui tombent nous disent aussi que nous avons besoin d‘oeuvres qui refusent le miroir de la mort, celles de Merzak ont toujours été de ce côté là.
Publié le lundi 11 septembre 2017