Trompe l'œil ? Attention !


Cinéastes de l'ACID

À l'occasion du Congrès de la FNCF, une partie de l'exploitation s'est réuni à Deauville où s'est illustré un certain art de la caricature. Face à la baisse de fréquentation, il s'agissait de se démarquer des geignards subventionnés en mettant en scène un aréopage d'experts « refusant de diaboliser les plate-formes et d'éduquer les publics », mais souhaitant « plus d'argent » pour des films « plus spectaculaires ». 

Ce n'est pas les brocarder que de le dire, puisqu'ils se sont exposés eux-mêmes. Mais revenons plutôt sur les lignes de force d'un art et d'une industrie, le cinéma, qui a de nombreuses raisons de penser ensemble un vieux rêve qui bouge.


L'État continue de soutenir un réseau de salles unique au monde, parce qu'en dépend l'expérience prisée des salles obscures. D'après Duras, citée par la Ministre de la Culture, nous pouvons en effet nous réclamer de cette nuit artificielle et démocratique du cinéma où se consolent toutes les hontes. Mais que faut-il en attendre? Sans le directeur des cinémas Star (et co-président du SCARE) Stéphane Libs, qui tentait de rappeler la responsabilité des exploitants, la qualité de la programmation et l'éditorialisation auraient disparu des sujets. Pourtant, grâce à la rencontre avec les publics, elles continuent de porter leurs fruits. La mise en commun de moyens et de pratiques (médiateurs, passerelles entre scolaires et cinéphilie, Tik-Tok et création cinématographique) sont elles-aussi prometteuses pour peu qu'on s'y intéresse.


En tant que réalisateur.ices de l'ACID, nous sommes d'ailleurs sensibles, en cette rentrée, à un engouement presque inattendu, tant il est invisibilisé par ces grands shows. Les salles sont parfois pleines (en particulier lors de la Reprise de l'ACID Cannes au Louxor), et souvent mieux remplies (au hasard de nos rencontres un peu partout), pour ces films qui prennent le temps de nous faire entendre la joie fugitive, s'attachent à nos flamboyances, à nos humeurs, et se laissent traverser par le monde. Et les jeunes ne sont pas en reste, ils sont enthousiastes, la joie dans la salle leur appartient (laissant les algorithmes à la maison).


Mettre en scène l'opposition entre un désir hégémonique de technologie et le chaos coûteux et subventionné de la création relève donc d'un illusionnisme brouillon, tendance fake news. D'ailleurs, à y regarder de près, si sauver la salle consiste à s'en remettre à la technologie (data comme nouvel or noir et outil de lecture des désirs du public, effets spéciaux pour justifier de quitter le canapé), elle devient vite inégalitaire (tarification premium pour une expérience exclusive) et oublie à l'occasion le cinéma (au profit du e-sport ou autres watch parties). Ceux qui y aspirent n'ont-ils donc pas seulement les intérêts du cinéma à cœur ? Savent-ils ce qu'ils mettent dans la balance ? Parient-ils sur la grande messe ? C'est un pari qu'il sera très coûteux de perdre. 


Non, le cinéma est à nous tou.tes, il est né au cirque et dans les foires, où par tous les moyens, il aidait à vivre. C'est donc ensemble et par tous ses moyens qu'il faut y travailler, et dans cet esprit qu'est lancé ce jour un appel aux États Généraux du cinéma.

Cinéastes de l'ACID


Publié le jeudi 06 octobre 2022

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