Hautement recommandable, mais peut-être pas à n'importe qui, voilà un film qui peut au choix faire hurler de rire ou plonger dans des abîmes de perplexité stupéfaite. Au mieux, par un subtile mélange de ces deux réactions, Cosmodrama amènera le spectateur le plus « aware » au bord de l'orgasme intellectuel. On comprendra cependant que, plus rétifs à l'humour en pointillés de Philippe Fernandez, les grincheux se renfrognent, se sentent même personnellement agressés par cette fable spatiale faussement non-sensique, joyeusement érudite, élégamment joueuse et, il faut bien l'admettre, globalement incernable. En leur temps, les divagations de Monsieur Cyclopède sur une chaîne de télévision publique et à une heure de grande écoute purent déclencher des réactions comparables.
Pour se faire une (petite) idée ce qu'est Cosmodrama, il faut imaginer le Peter Sellers de The Party qui viendrait dynamiter de l'intérieur le bel ordonnancement rigoriste du Solaris de Tarkovski - ou ce qui se serait passé si, dans un moment d'égarement ou de génie visionnaire, un producteur sous Prozac® avait confié à Jean-Luc Godard le pilote de Galaxy Quest (au croisement de Star Trek et de Cosmos 99). Ou peut-être un remake de 2001, Odyssée de l'espace, par Luc Moullet avec les Monty Pythons… Toujours est-il que, dans une époque où en matière de SF, uniformisé au possible, le cinéma a largement sacrifié la science au profit de la fiction, tout entier tendu vers une surenchère pyrotechnique barbouillée de réalisme numérique, Cosmodrama est une véritable bouffée d'oxygène. Dans ce jeu de pistes découpé en stations (14 stations, comme LE chemin de croix ? Et…?) on n'est pas certain de tout saisir, tout assimiler. Même pas certain de vouloir tout saisir. Car, au rayon questionnements et concepts, Philippe Fernandez y va généreusement. Très sérieusement aussi, on n'en doute pas une seconde – mais sans se prendre au sérieux, ce qui rend l'ensemble très digeste et accessible au commun des mortels. D'un kitsch extrêmement sobre (Cosmodrama appelle l'oxymore), sans jamais céder à la facilité du second degré de connivence, les décors, costumes, photo, intertitres, bande son du huis-clos sont absolument épatants. Les acteurs Berroyer-Blancan-Bernal-Moyont-Larivière, tous impeccables, se et nous régalent à se renvoyer des considérations marabout'ficel'de'ch'val aux frontières de la pataphysique. Jusqu'au questionnement co(s)mique final, de base et vertigineux.