Karim Dridi ne cesse de filmer ceux qui ne sont rien aux yeux des puissants : déracinés, damnés de la terre, poètes sans grade, rêveurs et clochards célestes, superbes mélancoliques, cherchant un toit dans le cœur des autres et surnageant dans un monde cruel et injuste qui ne laisse que peu de place à ceux qui vivent autrement.
Éclairées par la lumière magnifique du cinéaste, Djoul et Nina sillonnent les routes dans leur camion, siphonnent les réservoirs, font leurs courses dans les poubelles d'un supermarché, évadent une vieille amie d'un Ehpad pour l'embarquer avec elles. Leur vision de la vie est horizontale. La société ne veut pas d'elles, mais elles ont le monde avec elles, le ciel, les potes, la teuf et la route. Elles tracent.
Mais ce qui impressionne, surtout, ce sont ces regards qui ne trompent pas entre les deux héroïnes. Djoul ne souhaite rien d'autre que d'être avec son amie. Car qu'est-ce que l'amour, si ce n'est simplement vouloir être ensemble ?
Le film terminé, on n'a qu'une envie, faire partie de cette famille de fainéant·es et embarquer avec Djoul et Nina pour tracer la route en chantant du Colette Magny : « Partout j'ai vu aussi des gens qui dansent ou qui jouent quand ils peuvent, et cultivent leur petit lopin de terre. Jamais s'ils arrivent quelque part, ils ne demandent où ils arrivent. »