"Et le verbe s'est fait chair" (Jean 1, 1-18). Dès la première image, une bouche dit son désir de vivre et annonce le drame : "Je veux changer, je veux vivre selon ma vraie nature, je veux devenir une vraie fille". C'est sous forme d'auto-fiction ou de lettre filmée que s'ouvre Finding Phong. Lettre à sa mère, lettre à l'origine du monde pour annoncer la création d'un nouveau monde, le sien, celui que Phong a choisi. Dès lors on accompagne Phong dans sa construction d'un nouveau moi, à travers un nouveau genre ou plutôt à travers le genre qui est le sien. Mais il y a la terreur, la terreur du changement, la terreur de la solitude, la terreur de casser l'équilibre familial.
Mais c'est alors que le ton du documentaire change, évitant de dépeindre, comme c'est bien souvent le cas, la destinée tragique du transsexuel. Le film nous fait traverser l'expérience de Phong avec joie et jubilation, malgré les angoisses et douleurs du protagoniste. La parole est sans cesse libérée. Au travail, parmi les amis, avec le médecin et au sein même de la famille. Rien n'est laissé de côté, et tous les aspects sont abordés, le côté technique de l'opération, la transformation, la mutation, la famille, la question du genre et de la construction sociale du masculin et du féminin. Et le film d'accompagner Phong dans une auto-analyse lorsqu'en Thaïlande - où elle se fera opérer - elle parle du "pays où ma quête de bonheur me fera défier le créateur. Pays où je désobéirai à mes parents en détruisant ce corps que maman m'a donné", décrivant ainsi le lieu de son propre rite de passage.
Tout aussi surprenante est la famille de Phong qui a des discussions d'un niveau de vérité, de profondeur et d'ouverture qui font voler en éclat les clichés de la famille vietnamienne pauvre de campagne. La parole circule, et le conseil de la mère vient peut être toucher du doigt le lieu de la tragédie identitaire de Phong lorsqu'elle lui demande d'arrêter de demander si elle est belle et de rester naturelle et innocente comme avant...
Finding Phong est un documentaire joyeusement politique et pédagogique sans la lourdeur d'un propos didactique. Tout au contraire.
Même si le dispositif alterne entre caméra "auto-fiction" et mise en scène des réalisateurs, le point de vue est clair, sans ambiguïté ni dissimulation. Car même lorsque Phong ne se filme pas elle-même, elle se met en scène constamment. Plus Phong est heureuse d'avancer dans sa transition plus elle excelle dans le burlesque. L'humour et la distance sont toujours là. Dédramatiser, réconcilier, créer la complicité et le lien avec les réalisateurs, la famille, et bien sûr avec nous, spectateurs. Le lien du dire vrai et de la joie, celui qui fait tomber les murs des jugements et des lamentations, celui qui accueille plutôt qu'il ne rejette. C'est que dans Finding Phong la mise en scène de soi est l'endroit du combat, et que c'est précisément dans cet endroit du combat que se trouve la clé du bonheur.