La Fragile Armada a un point commun avec l'invincible Armada qui participa à la victoire de Lépante contre les Turcs. À l'époque, l'un des officiers s'appelait Cervantès. Or, qu'est-ce que ce film, sinon le récit d'une aventure Picaresque. Celle qui conduit l'idéaliste sous commandant Marcos et son armée de poètes cagoulés vers la capitale mexicaine. Car il y a bien du chevaleresque dans ce combat mené contre les moulins infernaux du libéralisme. Il me fallait ce film juste et pudique pour sentir, entendre, comprendre les choses. Comprendre tout d'abord que Marcos ne faisait pas des discours, mais composait des « chants » sur la condition des indiens, autrement dit des hommes. Entendre cette voix, mélange étrange de fermeté et de douceur, faire de la poésie et de la politique, autrement dit de la « Poélitique ». Ecouter une voix qui réveille là où tant d'autres endorment. Et je ne pouvais m'empêcher de comparer ces sourires et ces regards gracieux qui filtraient sous les masques avec nos visages trop souvent éteints, ici, dans nos villes sans indiens. Cette Fragile Armada c'est cela, l'histoire d'un élan porté par une croyance. Et de tribunes en tribunes, au fil des provinces traversées, la parole s'est déployée tandis que l'on sentait la fatigue gagner les corps. Et puis, pour finir, il y eu l'arrivée sur une place de Mexico. Nous sommes dans la foule et nous regardons cette jeune fille guettée par l'endormissement qui s'appuie sur une épaule solide tandis que la voix de Marcos se cogne contre les murs de l'enceinte pour rebondir en échos. Voilà qu'elle ferme à demi les yeux, qu'elle dort debout presque. La voix résonne encore. La jeune fille est harassée, mais heureuse, bercée par ce double d'elle-même qui protège son sommeil. Une image, un son, simplement du cinéma.