Rives

Un film de Armel Hostiou

Rives

Un film de Armel Hostiou

France - 2011 - 78 min

Paris, le temps d'une journée charnière dans l'existence de Bianca, Thalat et Pierre.

Paris, a pivotal day lived by Bianca, Thalat and Pierre.

Avec :
Jasmina Sijercic , César Lakits et Abubakar Jamil

Sorti le 29 février 2012

Sortie non communiquée

À propos de Rives

Rives est un film de science-fiction. Un film qui fait peur. Et pourtant rien n'éclate, nous ne sommes pas dans un monde différent du nôtre, il n'y a pas vraiment de risque : d'où vient alors cette menace qui pèse constamment sur les images ? Pourquoi se sent-on si étranger face au connu ? Raymond Carver, en parlant de l'écriture, disait qu'il trouvait toujours bon qu'un sentiment de menace, même léger, soit présent dans une fiction. Cela permet de mettre à distance son objet, de le faire craindre, de le faire connaître différemment. Autrement dit : la perception des choses, leur connaissance, est une histoire de perspective. Rives bouleverse nos perspectives sur la ville et ses moments mécaniques et ordinaires. On y voit trois trajets humains au sein d'une journée comme une autre. Et cela devient extra-ordinaire. C'est une pure affaire de regard, une expérience essentiellement cinématographique. Deux adultes et un enfant, seuls, traversent Paris du matin au soir. Ils ne se croisent pas, ils ne se connaissent pas. Ce sont des étrangers : étrangers les uns aux autres, étrangers à l'espace inconfortable et dangereux, étrangers au temps lorsqu'ils s'absentent ou s'extraient du rythme contraignant de la ville. C'est ainsi que Rives bouleverse tous repères et coordonnées existentielles. Le sentiment de familiarité et d'appartenance est réinterrogé ; on ne reconnaît plus les espaces, on doute du temps. C'est là que se situe sa menace. Dans le film, chaque instant devient alors crucial : un pas de plus dans la vie, un pas de plus vers la mort.

Paroles de cinéastes

À propos de Rives

J'ai vu Rives en avant-première un soir de septembre, projection rêvée où en une heure et dix-huit minutes de temps l'espace commun de la salle de cinéma s'est imperceptiblement inversé. Une fois les lumières rallumées, la salle était bien toujours la même, rien en apparence ne semblait avoir bougé, mais nous étions tous pourtant passés de l'autre côté de l'écran - ou de nos têtes, c'est la même chose. Dès les premiers plans du film, nous avions d'ailleurs été informés du mode de transport qui nous serait proposé : entre le flottement d'une feuille d'arbre suspendue en l'air et les mains d'un enfant plongées dans les eaux stagnantes d'une flaque en forêt, nous voguerions sans cesse dans cette tension ; quelque part entre un monde flottant, circulatoire, incertain, fragile, où mille reflets viennent miroiter, et la terre meuble et boueuse qui nous colle au sol.

Rives sera donc de la même étoffe qu'un rêve, ostensiblement superficiel mais secrètement profond, fictionnel mais incontestablement documentaire, évident mais implicitement énigmatique. Un film-sortilège dont la gracieuse fluidité des images hypnotise au point d'instiller un soupçon diffus d'inquiétude, un suspense laissant craindre au spectateur que tout pourrait brutalement s'arrêter, se pétrifier sans raison, comme ces statues granitiques qui ornent les rues parisiennes et dont on ne sait si elles ne sont pas des passants qui se seraient un peu trop perdus dans la ville.

Tel est d'ailleurs le principe même du cinéma : une succession d'images sans cesse menacées par le figement, et tels sont Pierre, Thalat et Bianca, les trois personnages de Rives, dont les parcours respectifs s'entrelacent à la surface du tissu urbain parisien le temps d'une journée, jusqu'à ce qu'un événement, anodin en apparence (un ascenseur qui se bloque par exemple), vienne transformer leurs trajets sociaux (aller à l'école, à la fac, au travail) en déRives existentielles et poétiques.

Tous trois semblaient déjà fragiles, timides, solitaires, précaires (c'est-à-dire particulièrement exposés au surgissement de la Beauté), mais voilà qu'un petit grain de sable vient les faire encore un peu plus dévier de leur statut social, frêle embarcation sur laquelle ils naviguaient tant bien que mal dans la ville. À partir de là, ce n'est pas que Paris, filmé comme jamais par Armel Hostiou, vient à changer - Paris sera toujours Paris, n'est-ce pas ? – mais plutôt qu'il revête désormais aux yeux de cette étrange famille décomposée que forment les trois personnages principaux, l'aspect duplice d'un lieu qui offre certes sa surface à toutes les circulations mais à une seule condition : qu'elles ne mènent nulle part. Pour nos trois « héros » le cœur secret de la ville, si tant est qu'il existe, reste impénétrable. Ils auront beau venir frapper à sa porte, ils resteront sur le seuil, renvoyés à leur condition d'étrangers, d'arpenteurs, toujours emportés par la force centrifuge d'une cité qui les relègue en périphérie, de l'autre côté du fleuve en tout cas, celui qu'aucun pont ne permet de traverser (même celui dessiné sur les billets de 500 euros ne mène nulle part, à la grande surprise de Thalat.)

Alors Paris ville lumière ? Oui, mais Paris ville étanche aussi, vitrine illuminée qui garde close la porte de sa boutique, surface iridescente où l'on ne peut guère qu'imprimer la marque éphémère et vaporeuse de son haleine, comme pour vérifier si le fantôme qu'on est en passe de devenir garde encore un peu de souffle. Relégation d'autant plus frustrante que quelques portes s'entrouvrent parfois comme celle poussée par Fritz Lang himself qui laisse entrevoir à Bianca le début d'une promesse : il y aurait bel et bien un secret derrière la porte. Mais quel secret ? Quelle porte ? Quel avenir ? Quel asile ? Le cinéma lui-même peut-être. N'est-il pas le refuge traditionnel des fantômes errants ? Et ne ressemble-t-il pas à cette autre rive sur laquelle Pierre, Thalat et Bianca finissent par se retrouver et reconnaître leur parenté secrète ? Une sorte d'arrière-monde rêvé, où les perspectives se redessinent et les rapports se créent, de l'autre côté du fleuve des images, derrière l'écran.

Voilà entre autres ce que Rives offrira à ses spectateurs à venir. Je leur souhaite un bon voyage, une belle dérive. 

Luc Lavacherie

 - 

Programmateur


La Gallia Saintes
Paroles de programmateurs
soutien
A télécharger

Recherche

Gestion des cookies

En poursuivant sur ce site vous acceptez l’utilisation de cookies, qui servent à vous proposer une meilleure expérience de navigation (vidéos, photos, cartes interactives).

Tout refuser