Ici, tout semble figé. Le Cambodge d'aujourd'hui ressemble à s'y méprendre à celui d'il y a 40 ans. Partout du bruit, de l'agitation, de la détresse morale. Mirinda, travesti sorti de nulle part, fait partie du décor. C'est son terrain de chasse mais aussi une manière de rester invisible et d'échapper aux regards. Le corps incroyable de Mirinda laisse ainsi passer le temps ; il se fond. Et puis un jour Mirinda remarque Panna, une petite fille parmi tant d'autres. Sauf que Panna est seule, sans famille et muette. Une enfant, un monstre d'humanité dans une société qui n'en veut pas. Le face à face peut commencer : Mirinda en face de Panna mais aussi Mirinda en face de Mirinda. Ne plus regarder son propre corps mais accueillir la détresse de Panna, par le regard tout d'abord mais surtout en acceptant de tout changer à l'intérieur pour essayer « d'agir ». Et pour cela, il faut du temps...

Ce qui stimule dans le film de Nathan Nicholovitch, c'est d'être immédiatement sur un territoire cinématographique avec en prime un corps à apprivoiser. On pourrait passer beaucoup de temps avec Mirinda sans que la rencontre avec Panna ne se fasse nécessairement, on est bien dans cette errance-là. Et puis patatras ! Le romanesque s'invite ; une rencontre, un sentiment qui va élever cette histoire. La rue va faire place à la beauté des paysages, la fureur se fait plus modérée et la lumière va apparaître. Une lumière douce qui va transformer Mirinda. Il devient beau et héroïque. Car dans ce grand bazar que devient sa vie, il lui faudra choisir : l'ombre ou la lumière, l'apparaître ou la beauté intérieure, la résignation ou la beauté du geste. C'est dans cette attente là qu'Avant l'aurore devient émouvant car il était de fait inimaginable que cette histoire se passe. Sauf que nous sommes au cinéma et que de la croyance il y a.