Tel un coup d'épée, Last Laugh traverse les apparences et nous plonge dans le vif de questions essentielles : la vie et la mort, l'absurdité, le détachement, la folie.
Last Laugh c'est ce drôle de rire qui secoue l'héroïne par moments sans raison apparente, un rire - ou peut-être est-ce un sanglot - un rire troublant qui interroge et qui dérange.
L'héroïne, une paysanne pauvre à la fin de sa vie, est épuisée et n'est plus bonne à rien – sauf à prier Bouddha. Zhang Tao arrive à filmer magnifiquement son corps devenu inutile tout en nous cachant la plupart du temps son visage. Comme si ce visage incarnait la Vérité, une vérité qu'il nous fallait chercher. Car Last Laugh n'est pas le drame social réaliste qu'il paraît être. C'est un théorème, c'est la passion d'une sainte, dans la lignée des grands films spiritualistes, de Bresson à Pasolini.
La violence faite à cette femme qu'on trimballe de maison en maison, Zhang Tao la constate sans la juger. Il transcende cette cruauté et l'inscrit dans des symboles de sagesse bouddhiste dont le film s'inspire. Comme son héroïne, le réalisateur se tient sur le seuil, ni dehors ni dedans. Sa démarche devient contemplative à mesure que le corps de l'héroïne s'alourdit, que son visage se tourne vers l'au-delà. À la manière des grands peintres orientaux, il marie les contraires, la tendresse et la cruauté, l'ombre et la lumière, la sagesse et la folie... Last Laugh est un film qui touche au cœur parce qu'il comble l'intelligence.
Publié le mercredi 20 décembre 2017