En réalisant SOLO, Artemio Benki nous offre le portrait bouleversant de Martin Perino, un jeune pianiste argentin prometteur, dont les ambitions démesurées de son entourage à son égard l'ont détruit. Nous voyons ainsi Martin errant dans un cadre délabré à l'intérieur duquel d'autres personnes à priori aussi paumées que lui espèrent des jours meilleurs. Puis une petite fenêtre s'ouvre sur son talent musical lorsqu'à plusieurs reprises, il fait danser ses doigts sur un clavier de fortune. Il joue pour lui mais aussi pour les autres, cherchant à apaiser la douleur de l'un, désespéré de ne pas évoluer, déclenchant chez une autre une envie de danser.
Martin s'exprime peu mais dit l'essentiel : son besoin viscéral de jouer pour survivre. Pour cela, il faut négocier avec la réalité. Toujours.
Privés d'instrument, ses doigts jouent sur la table de la cuisine, sur un mur, dans la terre, partout où ils peuvent se poser. Ils jouent comme Martin respire.
Sa respiration se fait pourtant de plus en plus courte tant la société, en l'abandonnant à propre sort, le prive de son oxygène. Il semble pourtant ramené à la vie, lorsque devant une classe fascinée par ses propos, il montre à l'aide d'un clavier comment la musique peut ralentir le temps, le suspendre ou au contraire l'accélérer.
Artemio Benki a su s'effacer pour laisser à Martin tout l'espace dont il a besoin pour remonter la pente. Il saisit avec délicatesse des fragments de cet homme talentueux, généreux et sensible. Touchant à l'âme humaine, il nous renvoie à nos fragilités et à notre impuissance dans un monde qui malgré nous, peut nous réduire à néant. Le réalisateur a choisi de poser sa caméra sur Martin, une manière de saluer son courage et son talent, de le faire exister avec élégance, pudeur et une sobriété qui relève de son regard et que l'on retrouve dans son cadre.
Ponctué de poésie et de métaphores, le déroulé de ce documentaire dont le montage subtil relève de l'orfèvrerie, nous conduit peu à peu, telle une introspection, dans les abîmes d'un être qui a tant à donner pour qui sait recevoir.
Comme beaucoup, j'ai reçu SOLO comme un cadeau, un portrait d'une profonde humanité.
Publié le lundi 24 mai 2021