Christine
Delorme
Cinéaste
Il y a le corps d'un homme qui se penche sur celui d'une femme encore endormie pour lui souhaiter une bonne journée. L'homme est son mari. Le corps de cette femme ne sera plus jamais allongé. Corps-debout, qui avance au fil du rasoir, comme sur ces chemins de crête en montagne, où chaque pas requiert une immense tension, car le moindre regard pourrait faire basculer de l'autre côté du précipice Corps-assis qui ne connaît aucun répit, taxi-driver occupée de manœuvrer une machine, qui curieusement donne l'impression d'avancer nulle part, de faire du sur-place, dans un périmètre de quartier, toujours le même, Corps-tendu de Sandrine Kimberlain, presque maigre, comme si la moindre rondeur pouvait émettre un signe de faiblesse- une faille où irait s'engouffrer le stress chacun de ses passagers. Sa fonction fait d'elle une cible possible – le passager revendiquant sa position de client – et comme toute cible, peut être atteinte en plein cœur. Kiberlain ne peut pas, ne veut pas. L'implosion a commencé, dans la tête de son mari, Gilbert Melki Pour avoir regardé ce qui ne le regarde pas. Pour avoir persisté dans ce regard… Le comptable est passé de l'autre côté du miroir. Jusqu'où ne va-t'elle pas pour tenir – retenir… Figure de la droiture et de la froidure. Un seul regard sur son mari qui ne la voit pas le regardant. Une inversion s'est opérée… Le fou avait tout faux. Le faux seul fait l'affaire.
_ Taxi-driver où Robert de Niro devait tuer pour conquérir la blonde qu'il convoitait, nous paraît presque léger, de l'entertainment, aujourd'hui tant le film d'Emmanuelle Cuau, Très Bien Merci ne nous lâche pas une seconde, nous spectateur, avec ses petites phrases du genre, “chacun a ses emmerdes” ou “paumée pour paumée” dont le choc tombe plus sourd qu'un direct de De Niro.
Christine Delorme
-Cinéaste
Publié le mardi 12 septembre 2017