On entre dans La Forêt sans nom après un départ incertain. Quel est ce détective pop, adolescent trop vieux, que l'on imagine traînant sur les trottoirs d'Asakusa, plongé dans un Manga ? Il veut qu'on l'appelle Mike (comme Mike Hammer), il joue au détective et le film semble jouer le même jeu que lui, celui du recyclage. Ainsi, La Forêt sans nom commence comme la parodie bricolée et potache d'une enquête à l'américaine. Le mime semble naïf, l'histoire facile. Mais tout bascule à l'approche de La Forêt sans nom. À partir de là, ça ne doit plus rien à personne, comme s'il fallait s'éloigner de la ville pour perdre ses références, pour se sentir chez soi et en soi. Mike se retrouve dans un bâtiment, hybride d'hôtel, niché au creux des montagnes. Les pensionnaires sont jeunes et apathiques. C'est aussi improbable que d'imaginer Johny Rotten déambulant dans une maison de retraite. Voilà ce qui m'intéresse tout d'abord. Ayoama Shinji plonge ce corps étranger dans un milieu qui n'est pas le sien, dans un monde qui a des règles secrètes et il filme ce que cela produit. Dès ce moment, impossible de prévoir. Le film déroule son mystère et provoque notre imaginaire, ce qui n'est pas rien, ce qui est tout ce que l'on aime : cette incertitude sans cesse renouvelée, cet inconfort d'où naissent les moments de grâce. J'aime les images et les sensations que cela a laissées en moi. Les pieds délicats d'une jeune fille pris dans la douce fourrure blanche de ses chaussons, l'étrange gymnastique au lever du jour, le sourire terriblement aimable de la doctoresse en chef et désormais la certitude de savoir que dans certaines forêts, se cache un arbre qui nous ressemble.
Publié le mercredi 13 septembre 2017