J'attends toujours impatiemment le nouveau film de Dominique Boccarossa. Je le regarde faire depuis 17 ans avec régularité et ténacité des films, des tableaux. J'y retrouve chaque fois cet univers, déconcertant pour beaucoup, hors du temps et de l'air du temps. Ses films nous mettent toujours en un endroit où nous prenons du recul et de la hauteur aussi. Après la vision de La Vie nue, des amis intelligents et sensibles parlaient merveilleusement bien de cette revisitation de la vie de Lazare (références bibliques, interprétation sur la représentation des limbes...). Moi je sais juste que le film parle de quelqu'un qui meurt et puis qui revient à la vie et ça me suffit pour être captivée. La Vie nue est un film de sensation, un film où les corps, les visages sur lesquels on s'attarde dégagent une grâce qui peu à peu prend sens, le sens de pourquoi et comment les hommes vivent. Il faut accepter d'être dans la représentation, nous sommes dans l'image de la chose, cette « représentation » provoque de la sensation puis du sens. Ce refus de l'effet réaliste sacralise des gestes, des situations quotidiennes (des enfants autour d'une table, un repas partagé, une danse, une dispute sur une route...) et les métamorphose. A partir d'un échange de regards, du mouvement d'un corps nous sentons les rapports des uns et des autres. Fabuleuse mise en scène de ces êtres qui se croisent mors du mariage : le son, l'image, le temps, ça ne ressemble à rien que l'on connaisse déjà. L'époque n'aime pas beaucoup le cinéma de Dominique, ce n'est pas étonnant, il en prend le contre-pied intégral mais je sais qu'au fil des ans nous sommes de plus en plus nombreux à reconnaître la singularité de sa vision et je sais que là aussi il prend l'époque à cintre pied en imposant son travail sur la longueur, la rigueur, la fidélité et la ténacité.
Publié le jeudi 14 septembre 2017