Nous voyons tellement de films glacés-glaçants, de films calculés, élaborés, de films parfaits, finis… De films morts… Que lorsque surgit un film vivant, une joie immense nous envahit et on se reprend à croire que le cinéma peut être aussi un geste d'amour envers le monde et envers lui-même; et ça nous fait plaisir car le doute s'était installé. Lulu est un film sur l'Entre deux dans lequel nous habitons tous. Où commence la mer ? Où finit la terre ? Où commence la femme ? Où finit l'homme ? Lulu nous fait éprouver le sentiment que chacun se trouve tantôt ici tantôt là, que chacun est l'Autre. Lulu bouleverse le « Mythe de l'autre côté » comme l'écrit Claudio Magris et nous dit qu'il n'y a pas dans ce bouleversement matière à s'angoisser, qu'il ne faut pas avoir peur, parce que c'est notre condition même et que cela ouvre une infinité de possibilités. Tout cela étant dit avec une évidence du plan qui se suffit à lui-même pour peu qu'on veuille y croire. Et on se laisse emporter jusqu'au moment où Jean Henri devient si léger (je vous le jure ) qu'il monte au ciel. Pour de vrai : Les retrouvailles amoureuses de Lulu et John sort filmées du point de vue… D'un ange. Lulu est un film contre tout ceux qui savent ce que c'est la vie, contre tout ceux qui savent ce que c'est le cinéma, contre tous les « crétins vaniteux » dont parle Monsieur Jean Pierre Kalfon avec sa si belle voix. L'amour de Jean Henri pour les hommes (et/ou les femmes ) et pour le cinéma n'a pas été entamé par les méchantes choses que la vie réserve à chacun d'entre nous. Il nous livre un film de jeune homme, avec toutes les magnifiques hésitations des premiers films. J'en suis jaloux.
Publié le vendredi 15 septembre 2017