Le goût du Paddy. Cela commence par un goût âcre. Puis on boit rasade après rasade. Et le goût en devient presque sucré. C'est un film d'une rigueur impressionnante : des couleurs saturées, aux paysages hyper réalistes, au jeu des comédiens toujours sur le fil du rasoir ; et ces éléments ne servent qu'un but : créer une tension qui enferme les personnages dans une sorte de huit clos mental. Il y a dans le récit de Paddy une rapidité, une efficacité ainsi qu'une violence, toujours gardée à distance, laissant à notre regard le recul suffisant pour accepter l'outrance de certaines scènes. Mordillat réussi le pari de nous livrer certaines scènes infilmables sans jamais tomber dans la démagogie spectaculaire du visuel. Mordillat ne semble pas filmer les faits mais leurs conséquences, rendant les personnages en proie à une fébrilité qui les fait se buter les uns aux autres dans une apparente incohérence. Jeu du désir où chacun est le mauvais objet de l'autre : la tension qui se dégage de Paddy tient à ce désir qui ne peut jamais être assouvi, chacun des quatre personnages principaux ne sont là que pour une raison qui appartient au registre du manque. Il ne manque pas seulement quelqu'un, il manque aux personnages la possibilité de choisir son désir. Il ne s'agit pas de frustration mais bien du manque obsédant et destructeur qui fait que l'on agit par substitution et désespoir. Paddy est un film noir et surtout étonnant.
Publié le vendredi 15 septembre 2017