Plonger en apnée dans la matière inflammable de la pellicule, les yeux grand ouverts, Etre submergé par des flots de lumière, Et puis flotter, flotter encore, se laisser ensorceler par vagues successives, à l'image des chapitres du film, dans l'univers personnel mais référencé du cinéma de Guy Maddin. Depuis un phare cabine de toutes les projections, sur l'île peuplée des fantômes des cinéastes du cinéma muet, j'ai pris la barque de L'Aurore de Murnau, exploré le laboratoire de Frankenstein, adoré le visage de Lillian Gish et avancé dans l'histoire du cinéma avec la voix d'Isabella Rossellini prise dans le ressac des résurgences du passé du cinéaste. J'ai aimé ce retour vers l'enfance où la mémoire réinvente l'autobiographie dans les strates géologiques d'un cinéma des origines. J'ai aimé les réminiscences d'un monde englouti où les orphelins de La Nuit du chasseur cherchent les traces du génie des cinéastes des années 20. J'ai aimé le rythme soutenu d'une caméra enchaînée aux neurones de Guy Maddin, virevoltant dans l'espace de nos chambres noires. J'ai aimé le temps du film, qui déroule, dans la fragmentation de son histoire, un palimpseste où des bulles lumineuses viennent éclore à la surface de l'écran, avec le merveilleux des lanternes magiques. J'ai aimé cette voix-off qui se colle et se décolle de l'image, superposant une logique narrative au surréalisme d'un gant déshabilleur qui retourne forme et fond pour les saisir dans les traits contrastés des gravures sur bois. Quand j'ai quitté ce pays des merveilles avec émotion, regardant s'éloigner, avec les yeux greffés de l'enfant Maddin, les rives nocturnes de la mer cinématographe, j'ai compris qu'avec ce cinéaste, artiste funambule plus que somnambule, le cinéma avait encore un horizon.
Publié le mardi 12 septembre 2017