Drôle de film que celui de Michel Spinosa. A la fois classique, contemporain et romantique. Ca fait beaucoup trop ? Pas pour moi. Au contraire. L'histoire a, en quelque sorte déjà eu lieu avant que le film ne commence : une femme et un homme se retrouvent après tant d'années de séparation pour revivre leur passion. Ce filon d'une histoire déjà accomplie et encore à écrire a été utilisé dans la tragédie grecque et à Hollywood, dans les screwball-comédies (comédies de remariage) des années trente. Pourtant Emmène-moi est bel et bien un film de notre époque, situé dans un monde multi-ethnique où les personnages pratiquent le système D. L'hôtel sans étoile que gère le (jeune) homme avec son copain est une planque, afin de se mettre à l'abri d'une société aux horizons bouchés et à l'assistance généralisée. Cette surimpression de l'ancien et du nouveau donne à la passion un ton juste : ni béate, ni résignée, donc possible et compliquée. Emmène-moi est un film intelligent qui demande une réelle complicité du spectateur. On peut le haïr ou l'aimer, mais on ne peut pas rester indifférent. Mais n'est-ce pas ce qui caractérise la passion dans la vie aussi bien qu'au cinéma?