Comment un film peut-il accueillir et prolonger une douleur dont l'autorité ne relève ni d'une âpreté sociale de rigueur, ni même d'une quelconque intention scénaristique, mais de la vie, tout simplement, du cinéaste, cette vie mise en jeu (sinon mise en scène) dans trois leçons autour du Caravage ?
_ Le beau film-essai de Vincent Dieutre propose une réponse surprenante et picturale : en érotisant cette douleur. L'érotisation de la douleur, c'est ici une manière de court-circuiter un calibrage minoritaire ultra-contemporain drogue, homosexualité, errance interlope, multiplication des formats (35mm, super 8, vidéo)... par les Trois Grâces qui avaient déjà présidé à la naissance de son film précédent (Rome désolée) : voix off, lyrisme et goût du cadre.
_ (Rassurons les anti-esthètes, ce rapport à la peinture est tout sauf académique : on est plus proche de Passion de Godard que de l'épisode italien de N'oublie pas que tu vas mourir !). Par le cadre, on s'approche de cette douleur et de cette peinture, par la voix off, on croit s'en éloigner, on croit être au diapason, simplement, de ce doux égotisme mondain qui nous parle d'une solitude jusque dans l'amour, de trois voyages en Europe... Lorsque, par le lyrisme, l'écart précédent s'inscrit soudain dans la mémoire du spectateur, avant la fin de chaque plan, comme une harmonie, une harmonie conquise dans l'effort (de cet écart). Quel plus beau sentiment peut bien éveiller un film ?