Lumière ocre de fin de journée, doux ressac d'une mer calme, Fatma, Najeh et Waffeh s'avancent en silence vers la Méditerranée qui borde leur quartier. Elles y trempent leurs mains, leurs nuques, avant d'abandonner à cette masse enveloppante leurs corps fatigués par le labeur. Leurs plongeons nous font percevoir les enfants qu'elles furent, ils contrastent avec la vie de ces « Machtat » de mère en fille dans laquelle Sonia Ben Slama nous invite. Grâce à elle, nous intégrons ce huis clos de musiciennes qui animent les cérémonies de mariage et qui, à travers leur art, veillent sur les futures mariées, leur chantant une ultime berceuse avant l'envol. Grâce à elle, leurs gestes, leurs attitudes, leurs verves et leurs élans nous parviennent avec force et nous déplacent. Le mariage est ici à la fois leur profession et l'endroit où leur vie intime est la plus difficile et la plus chaotique. C'est tout autant le lieu d'un savoir-faire que d'une perte de contrôle, là où tout semble leur échapper. Entièrement habité par ce paradoxe, Machtat est ainsi parcouru de grands sauts d'intensités, de moments de voltiges ou d'abattements, jusqu'à cette fin où la joie, la tristesse, le tourbillon et l'effondrement se retrouvent dans les mêmes plans, dans les mêmes corps.
Théodora Barat, Julien Meunier et Vanina Vignal, cinéastes de l'ACID
Late afternoon ochre light. The gentle surf of a calm sea. Fatma, Najeh and Waffeh silently walk towards the Mediterranean sea that borders their neighborhood. They dip their hands into the water, soak their necks. Then they abandon their bodies, tired from the hard work, to this enveloping mass. When they dive, we get a glimpse of the children they once were. And the contrast is strong with their current lives as « Machtat », a status that these women pass on from mother to daughter and that Sonia Ben Slama invites us to discover. Thanks to her, we become part of this circle of musicians who perform at wedding ceremonies. Through their art, by singing to the brides-to-be the last lullabies they will ever hear before flying from the nest, the « Machtat » watch over them. Thanks to Ben Slama, their gestures, their attitudes, their eloquence as well as their aspirations are powerfully conveyed, and they move us. For them, weddings represent both a job and the place where their private lives are at their most difficult and chaotic. These ceremonies are moments when these women can display their expertise, but also when they seem to lose control on almost everything. Entirely driven by this paradox, the movie is thus interspersed with great leaps of intensity, moments of grace and moments of fall. In the final scene, joy, sadness and despair swirl in every shot, in every body.
Théodora Barat, Julien Meunier & Vanina Vignal, ACID filmmakers