Les Mercuriales, deux fleurons de l'architecture des années 70 qui surplombent le périphérique parisien. Vestige d'un projet immobilier pharaonique coupé dans son élan par le premier choc pétrolier. Alors, Apollon, Bacchus, Minerve, Mercure et les autres ont taillé la route, abandonnant les symboles du capitalisme victorieux à une banlieue obscure et décatie, transpercée par les autoroutes et les voies de RER. Une banlieue qu'on se contente habituellement d'apercevoir au détour d'un échangeur mais que Virgil Vernier a décidé de nous révéler dans la complexité de ses strates et la singularité des destins qui y ont élu domicile.
S'appuyant sur une redoutable maîtrise du cadre, le réalisateur circonscrit son territoire à l'abri du grand fracas narratif, tapi dans l'ombre, presque clandestinement, pour travailler en profondeur les liens qui se tissent à la surface dans l'ombre inquiétante des Mercuriales. En fondant et confondant les époques, en troublant les repères géographiques, il parvient à élaborer l'étrange radiographie d'un lieu invisible. Pour nous guider dans cette exploration, Lisa, jeune moldave fraîchement débarquée à Paris, mais aussi Joane et Zouzou, présences aussi lumineuses qu'étranges, créatures d'hier ou d'aujourd'hui, d'ici ou de là-bas, arpentent en somnambules ce paysage défiguré par les blessures de la modernité. Au hasard des rencontres et des récits qui se déplient, sur cet humus de la ruine, entre passages souterrains et immeubles voués à la destruction, émerge une fable d'un temps d'après où chacun à sa mesure réécrit une autre mythologie, contemporaine, notre mythologie.