Dés la première séquence, le film abat ses cartes. Long plan fixe sur le quai de la « Stazione Termine », voix-off d'un homme qui raconte son séjour à Rome : système D, manque de fric, dope, homosexualité. La suite : des variations sur les mêmes thèmes chauds. Mais l'image ne fait aucun cadeau à l'oeil venu se rincer. L'homme voix n'en fera pas à lui-même, trop conscient de ses propres faiblesses. Rome désolée n'est pas un film très gai (ni terriblement gay), mais la quête d'un sens, filmique et existentiel, dans le monde des ténèbres romaines. Deux supports : film et vidéo. Dieutre fouille les poubelles télévisuelles ou communication égale manipulation, pour trouver ici et là un instant de grâce. Les plans films, au contraire, sont des fenêtres de patience où la pellicule accueille généreusement le monde qui passe. Trop de sens d'un côté, trop peu de l'autre. Pourtant, c'est cette via négative qui permet à l'image de renaître de ses cendres. Par la drague et la drogue, l'homme voix arrive à la « gare terminus », constate l'impasse d'une descente voulue à l'enfer des apparences : « je me moque du monde, mais j'en souffre. » Résultat prévisible ? Sans doute. Mais le film revendique la liberté et la nécessité de (se) juger soi-même sur pièces, au lieu de vivre une expérience préfabriquée, fournie par l'agence de voyage. Cette solitude irréductible permet enfin à l'homme d'accorder une lueur d'humanité à l'autre et à soi-même. Film sans concession, il ne demande qu'une chose au spectateur : le bénéfice du doute. C'est peu. C'est énorme. Celui qui juge une image plus vite que son ombre, qui prend un homme au pied de sa lettre, risque de rater le lien profond qui les unit. D'ailleurs, il est peu probable qu'une telle personne aura eu la patience de lire ceci jusqu'au bout. Dommage !