On pouvait croire la quête d'Orphée remisée au rang de vieille lune coctalienne, et la voici ici ravivée : le pari est rare, signe d'un beau courage, battant en brèche les modes. Vif-Argent arrive comme un réconfort pour rassurer notre croyance dans le cinéma à faire se rencontrer des mondes a priori hermétiques, en refusant l'inéluctable. Le film fait dialoguer ensemble les morts et les vivants, incarnés avec douceur et sans ironie : finesse des comédiens, de leur voix, de leur visage et de leur peau, sensuellement irradiés d'une lumière franche, sertis du lyrisme de la musique. Armé d'une mémoire cinéphile qui veille en amitié et agit comme un moteur souterrain encore plein de vie, il faut faire preuve d'une audace et d'une ambition peu communes pour organiser une si belle circulation, tout un jeu de passages (secrets), dans des espaces urbains que l'on croyait déjà connaître et qui se font limbes ou Styx, par la vigueur et la simple joie de la mise en scène. La grâce du film tient aussi à ce qu'il ménage des brèches vers des ailleurs lumineux, à sa façon si délicate de recueillir les souvenirs, dans des écrins de paroles et d'images, et à ce qu'il s'attache autant à la simple matérialité des choses, selon un romantisme sans pompe, littéral et mystérieux.
One could have thought Orfeus' quest forever shunned as one of Cocteau's passé passions, and this film has found it renewed. The gamble is rare, and shows great courage, fighting fashion fads. This film comes as a comfort, reassuring our beliefs in cinema, and it's ability to make worlds apart come together, refusing what was deemed unavoidable. The film creates a dialog between the living and the dead, embodied with gentleness and without irony: the actors' delicacy, their voices, their faces, their skins, sensuously irradiating an honest light, set with musical lyricism. Armed with a cinephilic memory, which keeps a friendly vigil and acts like an underground fuel, a keen audacity and an uncommon ambition are necessary in order to articulate such a beautiful circulation. An entire network of (secret) passages, in urban spaces one could think were familiar but which the film changes into limbos or the Styx, by the vigorous and simple joy of the mise en scène. The film's grace is also due to the breaches it offers onto luminous outside worlds. To the delicate manners in which it collects memories, treating words and images like precious pearls. And to the manner it connects to a simple materialism of things, coming from a romanticism without bombast, both mysterious and literal.
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Publié le lundi 29 avril 2019