Cacahuète et transport en commun

Christophe
Loizillon

Cinéaste


(...) En face de notre désir de faire des films, nous prenons conscience qu'il existe un public qui a envie de voir nos films. L'espoir paraît immense. On voit la possibilité de continuer à réaliser les films dont nous rêvons.


L'ACID a donc cinq ans ; l'avenir peut être joyeux. Mais face à cette naissance incroyable de l'ACID (unique au monde), face à l'émotion de ces dizaines de milliers de spectateurs que nous avons rapidement gagné, face aux désirs grandissant de ses spectateurs de voir nos nouveaux films ; ne nous y trompons pas ; nous sommes assurément l'alibi d'une politique cinématographique ambitieuse. Les dynamiques et sympathiques "réanimateurs culturels" que nous sommes, ne font pas trop de mal à l'avance irrémédiable des "ambassades américaines" appelées nouvellement "multiplexes".


La mort de notre petit commerce annoncée par Jean-Luc est triomphale. Chaque jour, nous gagnons fièrement et artisanalement quelques dizaines de spectateurs dans des salles municipales.


Chaque jour, "ils" mettent en place industriellement des dizaines de salles alimentées par des bassins de populations calibrées, détruisant alentour tous les cinémas existants. À nous, les villes de 5000 habitants ; à eux les bassins de 200 000 habitants. Chaque jour, "on" nous jette une poignée de cacahuètes et nous sommes tout émerveillés qu'on ait pensé à nous. Les grandes surfaces viennent piocher dans nos trésors et nous empruntent nos "Manuel" et "Robert" sans contrepartie. Peut-être faudrait-il leur faire paye plus chèrement ces trésors ; nous les aimons trop pour les brader. L'avenir peut être sombre.


Que faire, alors ? Un suicide collectif serait sans doute préférable mais à 5 ans, ce n'est pas raisonnable.


L'émotion à la vue de Reprise, La moindre des choses, A la vie à la mort, Pour rire, Walk the walk nous oblige à la vie. L'émotion des dizaines de milliers de spectateurs nouveaux nous oblige à faire des films.


Jean-Luc a dit un jour que le cinéma, c'était du "transport en commun". Je suis très fier de faire partie de ces petits "transporteurs".

J'espère pouvoir proposer donc un suicide collectif à notre majorité. 18 ans en 2010, ce serait plus raisonnable. Jusque là "résistons à la tentation"et faisons des films. (...)




in La lettre aléatoire de l'ACID n°15 - décembre 1997


 

Christophe Loizillon

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Cinéaste


Publié le lundi 23 octobre 2017

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