Edito ACID Cannes 1997

Jean-Henri
Roger

Cinéaste

L'année dernière nous commencions ce programme par l'exposé de nos difficultés et notre volonté qu'ACID puisse continuer son combat pour la diffusion du cinéma indépendant. Un an après, la présence sur ce programme des sigles ADRC/ACID et du sous-titre « département pour la diffusion du cinéma indépendant » explicite l'avancée qui a été réalisée. Avancée, car dans la création de ce département avec l'ADRC, la nécessité de la pérennisation du travail de l'ACID est réalisée, comme l'indépendance des choix des réalisateurs a été préservée avec le maintien de l'ACID. En réalité cela fait depuis plusieurs mois que toute la logistique de l'ACID est intégrée au sein de l'ADRC et que l'ACID vit l'expérience de marcher sur deux jambes. Une avec le « département pour la diffusion du cinéma indépendant » qui consolide le travail quotidien en régions, l'autre, l'association de cinéastes ayant la maîtrise des choix des films soutenus, des initiatives comme la chaîne des indépendants et d'autres à venir. Mais là n'est pas l'essentiel, car aucune structure n'a d'autre utilité que le travail qu'elle fait, n'a d'autre justification à sa survie que sa nécessité. Cela fait maintenant quatre ans que nous disons aider d'une manière volontariste la diffusion du cinéma indépendant, c'est permettre au cinéma de faire éclore ceux qui demain seront la référence de tous. Quand on énonce des évidences de ce type, certains sourient avec compassion, d'autres ridiculisent notre discours en le classant dans les élucubrations d'idéalistes qui ne connaissent rien au réel. À ceux là, aujourd'hui nous ne pouvons que rappeler que les deux premiers films soutenus par ACID furent La Petite amie d'Antonio de M. Poirier et Parfois trop d'amour de L. Belvaux. Le premier est en sélection officielle, et le second a réalisé un des succès et film marquant de l'année. Comme on pourrait rappeler que quand il y a deux ans nous avons programmé À la vie à la mort de R. Guédiguian ce film avait été refusé par toutes les sélections de Cannes, et n'avait pas de distributeur. C'est à la sortie de la projection de l'ACID qu'un distributeur s'est enthousiasmé pour le film, aujourd'hui il est à un « certain regard ». Il n'y a pour nous aucune vanité à l'énoncé de ces faits, car pour nous c'est du domaine de l'évidence : défendre le cinéma indépendant c'est défendre le cinéma. Il n'y a pas de frontière entre les films autre que celle que génère la vision des œuvres comme marchandises. Un des principes fondateurs d'ACID est de dire : les cinéastes sont dans le social. Leurs positions de créateur qui ont accepté une forme d'expression qui implique de travailler avec beaucoup d'autres, et la négociation (donc souvent l'affrontement) avec l'économie, en font des individus prêts à penser le collectif. ACID ne peut vivre que parce que des cinéastes pensent en actes, que leurs films n'existent pas sans la rencontre avec les publics. Et s'ils sont prêts à défendre les films d'autres réalisateurs, c'est parce qu'ils savent qu'être auteur ce n'est pas être seul face au monde, ou plus exactement que cette posture romantique n'est pas celle désirée. À ceux qui pensaient au mieux que nous étions de doux rêveurs, au pire des imbéciles, il y a une réponse : c'est la mobilisation citoyenne des cinéastes de ces deux derniers mois. Notre programmation à Cannes cette année participe du même désir, faire partager l'enthousiasme de défendre une cinématographie pluraliste. Notre fierté de défendre des films qui, tous différents les uns des autres, partagent cette même certitude, nous sommes tous redevables et juges du réel, bref que nous soyons auteurs ou spectateurs, nous sommes tous citoyens.


Jean-Henri Roger

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Cinéaste


Publié le jeudi 09 novembre 2017

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