On connaît l'adage : après la pluie … le beau temps. Mais il y a des orages qui durent, qui durent à tel point qu'on finit par se demander s'il y aura vraiment un après la pluie.
C'est un peu un de ces orages tenaces que traverse le cinéma aujourd'hui, et tout particulièrement le cinéma indépendant de recherche, que ses ambitions et ses moyens relèguent à la marge, là où sévit le gros grain.
Pour le dire vite, les films ne marchent pas fort ces temps-ci. Serait-ce parce que le public boude la salle ? Non, plutôt à cause d'un phénomène de concentration qui s'est accéléré considérablement avec le numérique.
Aujourd'hui une poignée de grands groupes qui vont parfois jusqu'à articuler production, distribution, salles de cinéma et télévision, inondent les salles de copies. Certaines semaines 10% des films monopolisent 80% des salles. Répétée année après année, cette politique a fini par forger, si ce n'est des goûts, tout au moins des habitudes chez le public.
Il faut ajouter à ce problème de concentration qui laisse peu de séances disponibles aux films indépendants, le fait que les frais de promotion ont explosé, notamment à cause du paiement exigé par certains cinémas des grandes villes pour les bandes-annonces et affiches diffusées dans leurs propres salles.
Sale temps pour la « marge » donc qui au passage est de plus en plus large, et que certains aimeraient bien voir disparaître des salles pour se perdre dans le grand fourre-tout du web. Condamnant ainsi les films eux-mêmes mais aussi tout un secteur extrêmement dynamique et inventif, comptant de nombreux distributeurs et exploitants.
Voulons-nous vraiment ressembler à nos cousins italiens dont le florissant cinéma a cédé devant les majors américaines et une production nationale qui ne s'exporte quasiment plus ? Est-il pensable que dix films et dix acteurs suffisent à représenter la richesse de notre société ?
Si l'on veut un après la pluie, il est grand temps de fédérer les énergies des différentes professions qui participent à cette magnifique aventure du cinéma indépendant de recherche, réalisateurs, producteurs, distributeurs, exploitants, afin d'élaborer des revendications communes à même d'inverser le cours des choses. Des solutions existent, elles demandent simplement un peu de courage politique.
Elles nous semblent nécessaires car c'est à cette endroit là, dans la marge, que se prépare la relève de demain. Les réseaux ACID, réalisateurs, exploitants, spectateurs, en savent quelque chose. Ils ont soutenu en leur temps des figures du cinéma aujourd'hui confirmées comme Apichatpong Weerasathakul, Claire Denis, Alain Guiraudie, les frères Larrieu, et tant d'autres. Eux aussi ont eu des débuts discrets…
Heureusement, malgré la morosité ambiante, la relève est bien là, portant dans son désir de cinéma des propositions très réjouissantes qui réinvestissent la comédie et la romance, la politique et ses combats, et cherchent à nous offrir des perspectives différentes sur nos sociétés. Cette année encore, l'ACID se propose de les mettre en pleine lumière, et de vous les faire partager afin qu'ils trouvent leur place auprès du public. Certains, comme Jean-Loïc Portron et Gabriella Kessler, Ramon Zürcher, ou encore Justine Triet, vous présenteront leur premier film tandis que d'autres, comme Claus Drexel, Sébastien Betbeder, Hicham Lasri, Dominique Cabrera, Barmak Akram et Andrew Kötting, creusent le sillon de leurs explorations cinématographiques, du plus intime au plus lointain horizon, à travers des formes singulières qui enchantent nos yeux et nos oreilles.
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Publié le jeudi 09 novembre 2017