25 ans et toutes ses dents

Régis
Sauder

Cinéaste

Fabianny
Deschamps

Cinéaste

En art comme en cinéma, ce qui n'existe pas ne manque pas.

Alors il faut exister. Exister coûte que coûte, « Résister », comme titrait le premier manifeste des créateurs de l'ACID il y a 25 ans et qui, comme notre combat, n'a pas pris une ride. Portée par l'idée maîtresse qu'en matière de culture c'est la bataille pour une pluralité de l'offre qui fait et fera la demande, l'ACID résiste à l'endroit de la diffusion des films indépendants et de leur rencontre en salles avec les publics dans un contexte d'inégalités toujours plus agressif.

Le beau projet européen s'effrite de Brexit en séquestration bancaire, de mise en quarantaine des peuples d'en bas pour le confort des peuples d'en haut, il s'effrite au vent tandis que de nouveaux rideaux de fer s'élèvent sur les décombres de l'Europe émancipatrice tant rêvée. Quand les extrêmes grondent, dehors et dedans, que les portes se referment, que les marchés se durcissent, que reste-t-il de la culture ?

Doit-on uniquement s'auto-congratuler des bénéfices de notre secteur si florissant qu'il détrône même ceux de l'industrie automobile ? Est-ce là la fierté du 7ème art ? En quoi le cinéma échappe-t-il aux paradigmes qui régissent les biens alors qu'il ne dispose pas des mêmes armes que les autres secteurs industriels pour se défendre ?

Car hélas, l'exception culturelle qui a nourri et protégé nos créations peine à présent à préserver l'exposition de nos œuvres et menace par conséquent leur existence future. L'hyperconcentration qui caractérise l'exploitation cinématographique aurait été dénoncée juridiquement par n'importe quel autre secteur industriel pour abus de position dominante, là où le nôtre en a toujours été exempt.

Malgré quelques éléments de régulation obtenus cette année lors de réformes menées par le CNC avec les professionnels, il est peut-être temps de repenser notre beau sanctuaire a n de préserver au-delà de l'exception culturelle, une culture d'exception.

C'est de cette exception dont nous nous revendiquons, les indépendants, les marginaux, les hors cadres, en un mot : les pauvres de l'industrie cinématographique. Ce n'est ni un gros mot, ni une honte de le proclamer. Pour beaucoup de cinéastes et de producteurs, cela relève plus d'un positionnement fort et d'un acte de liberté que d'un manque d'ambition ou de moyens économiques.

Depuis 25 ans, l'ACID se déploie en réseaux de salles, de spectateurs, de festivals, de cinéastes, en France et à travers le monde. À l'ACID, nous souhaitons opposer le déploiement et la solidarité au repli et à la peur de l'autre. Ainsi de ce lien tissé avec cette nouvelle fenêtre ACID TRIP offerte à une association de cinéastes serbes.

Au fil des ans, l‘ACID s'est enrichie des cinéastes qui l'ont traversée, d'une équipe de salariés qui tous les jours transforme les idées en action avec le soutien indéfectible de nos partenaires. L'ACID s'est nourrie de films merveilleux, uniques, engagés dans des formes, des esthétiques. Un renouvellement permanent et une émancipation du cinéma, à l'instar de cette programmation 2017 qui appelle à toutes les porosités et reflète un mouvement de fond initié par la démocratisation des outils techniques.

Au bout du combat, c'est cette richesse qui est en péril. Convaincus que l'uniformisation des représentations figure souvent l'antichambre du fascisme, nous soufflons avec vous ces 25 bougies pour une flamme qui, elle, ne s'éteint pas.

Régis Sauder

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Cinéaste

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Fabianny Deschamps

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Cinéaste

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Administratrice


Publié le mercredi 10 mai 2017

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