Cinéastes de l'ACID
Les massacres du 7 octobre ont remis au premier plan la guerre en Israël et en Palestine, et son cortège d'atrocités, ainsi que les mots d'ordre qui l'accompagnent : « D'accord, mais est-ce que vous condamnez ? ». Depuis notre place, celle d'une association de cinéastes, forcément inquiets de là où le monde va, que pouvons-nous ?
De nombreux festivals de cinéma au Moyen Orient sont supprimés ; le rectorat de Paris fait le choix de déprogrammer le film Wardi (Mats Grorud) de son corpus de Collège et cinéma ; la venue de Nadav Lapid est annulée à Toulouse(1), autant de signaux qui disent désormais notre incapacité collective à l'endroit des images.
Que pouvons-nous alors ?
Reprendre les mots de l'Observatoire de la liberté de la création : redire que les œuvres ne sont pas coupables, que toute déprogrammation est un échec collectif, mais aussi interroger notre rapport à l'image, dont cette vague de déprogrammation témoigne.
Depuis le cinéma, nous osons penser que les films sont des antidotes à la simplification ambiante. Notre travail, ce sont les images. Et il se trouve que cette guerre est aussi une guerre d'images. Se réunir pour penser avec des films est important, les diffuser au cinéma et ailleurs l'est d'autant plus.
En 1991, Daney devant son poste de télévision s'inquiétait de la guerre sans images que le petit écran imposait. Il suggérait : nous sommes peut-être à un moment où nous allons comprendre à quoi servait le cinéma. À se faire une idée (bonne ou mauvaise, honnête ou malveillante) de l'autre.
Qu'aurait dit Daney de cette « communication » incessante, de ces images reçues, partagées en temps réel, flux tendu, chacun·e seul·e devant son écran, et de l'effacement progressif d'autres images, faites pour nous aider à penser ?
Il faut du cinéma pour penser l'autre, tous les autres. Des images, mais des images montées et travaillées, pour donner à voir, à entendre. À réfléchir, comme ce petit miroir au fond de la caméra, qui renvoie le réel, le retourne et l'imprime… pour mieux le partager.
Depuis l'ACID, notre rôle consiste donc à partager, diffuser, créer des espaces propices au débat et à l'écoute, autour de films comme Still Recording, Août, avant l'explosion, Little Palestine ou encore M(2) : autant d'autres guerres, autant d'autres images. Mais osons garder les yeux ouverts aujourd'hui sur ces films d'hier, d'avant la sidération récente, pour regarder autrement en décalant dans le temps et l'espace, respirer, ménager une place à l'histoire, l'ailleurs, et même l'espoir.
1 Avec un maintien de la diffusion des films.
2 Still Recording de Saeed Al Batal et Ghiath Ayoub ; Août, avant l'explosion d'Avi Mograbi ; Little Palestine d'Abdallah Al-Khatib ; M de Yolande Zauberman.
Cinéastes de l'ACID
Publié le vendredi 03 novembre 2023