À propos de Écrivains des frontières

Laurence
Petit-Jouvet

Cinéaste

Écrivains des frontières de Samir Abdallah et José Reynès est un film beau et nécessaire car il permet de mettre en mots, et pas n'importe quels mots, la tragédie palestinienne. Plusieurs grands écrivains de ce monde ont fait le voyage dans les territoires occupés et en Israël. Leurs paroles et celles des cinéastes se mêlent, cinéma et littérature travaillent ensemble pour rendre compte. Chargés du poids de l'histoire de leur propre pays (l'Afrique du Sud, la Chine, le Nigeria, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la France), ils visitent les maisons éventrées, rencontrent les habitants, vont voir pour eux-mêmes la réalité de cette guerre d'occupation.

_ Assise sur une pierre, une vieille femme Palestinienne au visage buriné rappelle La Mère de Gorki, la Mère courage de Brecht ou la mère dans Conversation en Sicile de Vittorini. Ainsi elle rejoint la grande famille des personnages de la littérature et le drame palestinien rejoint l'histoire universelle. En compagnie de ces écrivains, on prend de la hauteur.

Parce que ce sont des gens de lettre, ces hommes nous font voir autrement ce conflit dont on pensait avoir tout dit et tout entendu. Ils déplacent cette guerre sur le terrain des mots. Ils usent de leurs armes — les métaphores, les comparaisons… — pour dire ce qui les habite durant ce voyage. En chemin, ils buttent sur un nom, « Holocauste », qui les fait trébucher. Ils dénoncent l'utilisation du mot « antisémitisme » qui est faite lorsque la politique du gouvernement de Sharon est critiquée. Ils parlent de bouclage rhétorique, guerre verbicide, langage effondré, réalité rendue illisible, mauvais usage des mots viciés ou corrompus… et tombent sur cette nécessité : il est de leur devoir de réinventer un langage pour témoigner. Ce travail, c'est à eux écrivains, poètes et conteurs du monde, de le faire, collectivement. Ils s'engagent. Et là on voit que, malgré l'état du monde, l'excellence peut procurer du pouvoir. Cela fait grand plaisir même si les bulldozers et les tanks ! semblent continuer leur sinistre travail de destruction. Mais la terre parle, et rien ne pourra l'arrêter.

Laurence Petit-Jouvet

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Cinéaste


Publié le mardi 12 septembre 2017

Paroles de cinéastes

Écrivains des frontières

Un film de Samir Abdallah
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