L'Esquive

Un film de Abdellatif Kechiche

L'Esquive

Un film de Abdellatif Kechiche

France - 2003 - 117 min

Abdelkrim, dit « Krimo » (15 ans), vit dans une cité H.L.M. de la banlieue parisienne. Il partage avec sa mère, employée dans un supermarché, et son père en prison, un grand rêve fragile : partir sur un voilier au bout du monde. En attendant, il traîne son ennui dans un quotidien banal de cité, en compagnie de sa bande de copains. Krimo tombe amoureux de sa copine de classe Lydia, une pipelette vive et malicieuse. D'un naturel plutôt réservé, Krimo a d'autant plus de mal à lui déclarer ses sentiments que Lydia n'a en ce moment qu'une chose en tête : la représentation de la pièce de Marivaux {Le Jeu de l'amour et du hasard}, que leur classe va donner à l'occasion de la fête de l'école. Lydia y joue Lisette, et les répétitions se déroulent sous la direction de Monique, leur professeur de français, qui a converti son cours, pour la circonstance, en cours d'art dramatique. Krimo manigance un plan d'approche ingénieux ? Bien que le théâtre représente le cadet de ses soucis, il persuade Rachid, le partenaire de Lydia, de lui céder le rôle d'Arlequin, en échange du butin de ses derniers casses. L'accord est conclu, mais la hardiesse de Krimo est mise à rude épreuve car Monique s'avère un metteur en scène d'une exigence implacable? Krimo était loin de se douter que ses débuts sur scène ne se feraient qu'au travers de pénibles tourments...

Avec :
Osman Elkharraz , Sara Forestier , Sabrina Ouazani , Nanou Benahmou , Hafet Ben-Ahmed , Aurelie Ganito , Carole Franck , Hajir Hamilli , Rachid Hami , Mariem Serbah , Hanane Mazouz et Sylvain Phan

Sorti le 07 janvier 2004

Sortie non communiquée

À propos de L'Esquive

Le temps qu'il fait.



Depuis quelques années, je tente de (ré) concilier mon regard à un monde qui se dérobe. Je m'oblige ainsi à une réflexion sur l'art en général, à ses devoirs sans droits et à ses tenants le plus souvent sans aboutissants immédiats. Je m'applique aussi dans quelques réunions associatives à ne pas trop imposer ni exposer ma présence sur des choix ou des partis pris que d'autres défendent mieux que moi. En un sens, je fais comme tout le monde, je tente de résister à un despotisme d'où ne sort qu'une seule et même parole. De temps en temps seulement (trois fois en trois ans) j'éprouve cette impérieuse nécessité d'écrire sur un des nombreux films proposés à l'ACID. Je peux comprendre ainsi mon incapacité à ne pouvoir faire un certain cinéma et saisir bien sûr les raisons pour lesquelles je n'en ferais jamais certain.



Il fait parfois beau



La cinématographie française (toujours plus dépendante) celle qui refuse à la fois les calibrages et les conformités - souvent dépréciées par une critique soucieuse d'elle-même et d'une industrie toujours prompte à imposer ses pouvoirs peut parfois s'imposer et s'affirmer sans détours avec des films en forme de slaves poétiques qui transpercent violemment le corps du temps. Le film de Abdellatif Kechiche est ainsi. Les mots percutent l'image comme un chant fait de signes et d'onomatopées. L'existence d'une banlieue sans âme ni corps est bannie par un langage émancipateur, poétique, politique et profondément humaniste. L'amour, l'honneur, et la pudeur guident la raison et le geste des adolescents en quête d'eux-mêmes. La parole donnée retrouve ici sa sacralité et ne peut en aucun cas être reprise. Comme le théâtre de Marivaux en partie exposé dans le film, « le conte d'un amour impossible dans une cité de pauvres » côtoie sans faiblesse cette grande littérature qui peint les amours impossibles d'une classe sociale à une autre. Les polyphonies d'un patois banlieusard s'accordent magnifiquement à la verve aristocratique du théâtre classique. La beauté d'une parole émancipée et originelle rejoint celle des visages.



Ce qu'indépendance veut dire.



On retrouve aussi en filigrane ce combat perdu (mais pas d'avance) des sacrifiés sur l'autel du libéralisme qui osent affirmer puis imposer leur existence. L'exotisme de la banlieue, friandises télévisuelles ou tremplin d'une bonne conscience pour cinéastes pervertis est rapidement étouffé par les richesses d'un langage qui se juxtapose aux regards silencieux et puissant des personnages eux-mêmes. L'œuvre suggère sa croyance en l'art et en l'humain mais concède avec humilité ses propres limites. Il ne s'agit plus ici de « la haine » (de soi et des autres) ni d'une caricature qui colle à la peau du dos des banlieues mais du choix simple et salvateur d'exprimer un sentiment ou une émotion par le biais poétique d'une réalité. Le cinéaste épouse le moindre geste ou un ultime regard sans la vulgarité si commune de la caméra portée. La grâce et l'excellence de l'interprétation doit beaucoup à sa mise en image à la fois discrète, pudique mais paradoxalement osée. C'est la nécessité d'être qui détermine son regard et son filmage. L'art du film tient aussi à la réussite de ce geste rare mais toujours fondateur, celui de conjuguer l'authenticité d'un réel au songe d'une fiction. Il évite ainsi les dérives du documentaire qui prend trop souvent la réalité pour une vérité et les vanités de la fiction qui s'approprie des vérités pour plagier la vie. Tout cela est si simple que l'on s'étonne encore de voir des films se limitant à ces deux antinomies. Le cinéaste artiste aime ses personnages et montre ? cette fois sans pudeur - son désir de filmer et ce plaisir d'aimer. Il parvient, avec cet audacieux mélange, d'humour et de mélancolie, à nous transmettre cette euphorie lucide.

Dominique Boccarossa

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Cinéaste


Paroles de cinéastes

Here Comes the Sun - News #9

Le 14 mai 2020

Chères toutes, chers tous...


Comme nous ne sommes qu'à moitié déconfiné-e-s, et que nos chères salles obscures demeurent closes, nous continuons de partager avec vous des idées de films à voir depuis chez vous, des textes de cinéastes, des idées de musiques pour accompagner vos journées... bref, afin de faire vivre le cinéma que nous défendons.


Et puisque nous devrions être à Cannes en ce moment, nous avions envie cette semaine de revenir sur des gestes cinématographiques forts de cinéastes soutenus par l'ACID avant de recevoir la plus prestigieuse récompense cannoise.


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Les cinéastes et l'équipe de l'ACID



PROPOSITIONS VOD - FUTURES PALMES D'OR

L'ESQUIVE d'Abdellatif Kechiche


Abdelkrim dit "Krimo", quinze ans, vit seul avec sa mère dans une H.L.M. de la banlieue parisienne. Il traîne son ennui dans sa cité avec Fathi, son meilleur ami, et leur bande de potes. Un beau jour, Krimo craque pour la malicieuse Lydia, une copine de cours. Mais le jeune homme n'est guère bavard et a une réputation à tenir. Comment déclarer sa flamme à la jeune fille sans perdre la face ? Une solution s'impose : soudoyer Rachid, partenaire de scène de Lydia, pour reprendre le rôle d'Arlequin dans Les Jeux de l'amour et du hasard de Marivaux, que certains élèves de la classe montent pour la fête de l'école. Ce que Krimo n'ose avouer à Lydia, Marivaux le fera à sa place. Mais l'audacieuse manœuvre vire au parcours du combattant pour le timide jeune homme.


Soutenu par l'ACID en 2003 - A voir en VOD sur Orange


UZAK de Nuri Bilge Ceylan


Un photographe, hanté par un sentiment de vide entre sa vie et ses idéaux, se trouve obligé d'accueillir chez lui un jeune parent qui a quitté son village à la recherche d'un travail sur un bateau pour partir à l'étranger.


Soutenu par l'ACID en 2003 - Toutes les options VOD


UN PEU DE LECTURE...

« On pouvait croire la quête d'Orphée remisée au rang de vieille lune coctalienne, et la voici ici ravivée : le pari est rare, signe d'un beau courage, battant en brèche les modes. Vif-Argent arrive comme un réconfort pour rassurer notre croyance dans le cinéma à faire se rencontrer des mondes a priori hermétiques, en refusant l'inéluctable. »

« Le film fait dialoguer ensemble les morts et les vivants, incarnés avec douceur et sans ironie : finesse des comédiens, de leur voix, de leur visage et de leur peau, sensuellement irradiés d'une lumière franche, sertis du lyrisme de la musique. Armé d'une mémoire cinéphile qui veille en amitié et agit comme un moteur souterrain encore plein de vie, il faut faire preuve d'une audace et d'une ambition peu communes pour organiser une si belle circulation, tout un jeu de passages (secrets), dans des espaces urbains que l'on croyait déjà connaître et qui se font limbes ou Styx, par la vigueur et la simple joie de la mise en scène. La grâce du film tient aussi à ce qu'il ménage des brèches vers des ailleurs lumineux, à sa façon si délicate de recueillir les souvenirs, dans des écrins de paroles et d'images, et à ce qu'il s'attache autant à la simple matérialité des choses, selon un romantisme sans pompe, littéral et mystérieux. »


Les cinéastes Aurélia Barbet, Michaël Dacheux & Clément Schneider à propos de VIF-ARGENT de Stéphane Batut




...ET DE LA MUSIQUE

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Bonnie Prince Billy - "I See a Darkness"

Au générique de NE CROYEZ SURTOUT PAS QUE JE HURLE de Frank Beauvais


Ce sentiment quand on peut enfin sortir sans attestation

(images tirées de MERCURIALES de Virgil Vernier - Programmé à l'ACID Cannes 2014)


 > Contenu à retrouver également sur les sites de nos partenaries Mediapart et Télérama <


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