Uzak

Un film de Nuri Bilge Ceylan

Uzak

Un film de Nuri Bilge Ceylan

Turquie - 2003 - 110 min

Un photographe, hanté par un sentiment de vide entre sa vie et ses idéaux, se trouve obligé d'accueillir chez lui un jeune parent qui a quitté son village à la recherche d'un travail sur un bateau pour partir à l'étranger.

Avec :
Muzzafer Özdemir et Mehmet Emin Toprak

Sorti le 14 janvier 2004

Sortie non communiquée

À propos de Uzak

Uzak, un cœur en hiver. Il en est des films comme des cèpes. Le plaisir qu'on prend à les déguster est d'autant plus grand qu'on les a trouvés par hasard. En m'asseyant dans la salle juste au moment où le projectionniste envoyait la bobine, je ne savais rien de Nuri Bilge Ceylan, ni sa nationalité, ni s'il avait fait des films auparavant, et n'avais rien lu sur Uzak. Ce fut une chance formidable car c'est toujours un bonheur précieux de découvrir comme aurait dit Bresson, un metteur en scène de cinématographe. L'argument du film est simple. Poussé par la fermeture de l'usine de son village, Yusuf se rend à Istanbul, pour chercher du travail sur des bateaux en partance pour l'étranger. Il se présente chez son cousin Mahmut, et lui demande l'hospitalité pour quelques jours, le temps de trouver un embarquement. Mahmut accepte. Il est photographe et vit seul dans un grand appartement.


Avec ce scénario apparemment économe, Bilge Ceylan nous livre un film grave et poignant, un film sur le renoncement. Car si aux yeux de son cousin Yusuf, il incarne sans doute une certaine réussite, en tout cas une prospérité financière enviable, Mahmut n'a pas la même image de lui-même. Pour lui, rien ne va plus, le « rien ne vas plus » de la table de roulette, quand le croupier a balancé la bille et que les dés sont jetés. Voilà c'est ça, pour Mahmut les dés sont jetés ; il est trop tard pour lui pour entreprendre quoi que ce soit, il n'a même plus la force des rêves dérisoires de son cousin fauché. C'est un type usé par la perception insupportable du fossé entre ses idéaux et la réalité de sa vie. Il est dans le renoncement : au monde, à l'autre, à lui-même. Vivre est devenu pour lui un trop dur métier. 


Ce qui est formidable avec Bilge Ceylan, c'est qu'il parvient à filmer l'invisible, à dire ce qui est tu à force d'être enfoui, et cela par la force de la mise en scène, Dès les premières séquences où Mahmut impose à Yusuf des règles à respecter, il filme avec une ironie qui deviendra de plus en plus amère au fil du récit, les petits détails de la vie à deux et surtout le rapport de force qui s'installe entre les deux cousins, un rapport de forces qui est aussi un rapport de classes. Car très vite Mahmut s'agace de la présence de Yusuf, de la présence de l'autre en fait. Tout l'irrite de plus en plus dans cette cohabitation : l'odeur des chaussures de son cousin, de ses clopes, sa présence encombrante quand la nuit il voudrait regarder une cassette porno. Tout lui devient prétexte pour souhaiter ardemment son départ. Il est gêné par son origine sociale et lui en veut sans doute aussi de faire naître en lui des sentiments aussi mesquins et d'en être le témoin... Pour Mahmut ce qui est impossible ce n'est pas de tendre la main mais de saisir celle qu'on lui offre. Que ce soit avec son cousin, sa sœur, ou son ex-femme... Dans une scène, admirable, Mahmut suspecte Yusuf de lui avoir volé une montre ancienne. Devant son cousin d'une tristesse bouleversante face à ses soupçons, Mahmut finit par ouvrir un tiroir. Sous quelques papiers il aperçoit la montre. Bilge Ceylan suspend alors le temps, le dilate, comme pour laisser supposer que Mahmut va s'excuser de sa méprise ; mais sous les yeux de Yusuf qui n'a pas vu le contenu du tiroir, il préfère taire sa découverte et faire preuve d'une fausse et misérable mansuétude. « Uzak » en turc signifie distant, lointain. Cela désigne le caractère de Mahmut mais c'est quand même un euphémisme somme toute logique pour un cinéaste qui abhorre autant l'excès. Car Nuri Bilge Ceylan déteste le gras, lui ce qu'il aime c'est l'épure On l'imagine faisant collections de gravures représentant des écorchés. Par sa capacité tout en faisant un film très turc à parvenir à nous toucher, à nous parler à l'oreille, à être universel en somme, on pense souvent à Ozu. Et aussi pour son goût pour les cadres savamment composés. Bilge Ceylan sait tirer profit de la minceur de son budget pour aller vers une mise en scène sèche et délicate, où la splendide photographie (qu'il signe lui-même) dit bien les heures du jour et l'intranquillité. Il nous offre un film merveilleusement désespéré, à l'humour toujours présent, cet humour que Georges Bernard Shaw définissait comme « la politesse du désespoir ».

Pascal Deux

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Cinéaste


Paroles de cinéastes

Here Comes the Sun - News #9

Le 14 mai 2020

Chères toutes, chers tous...


Comme nous ne sommes qu'à moitié déconfiné-e-s, et que nos chères salles obscures demeurent closes, nous continuons de partager avec vous des idées de films à voir depuis chez vous, des textes de cinéastes, des idées de musiques pour accompagner vos journées... bref, afin de faire vivre le cinéma que nous défendons.


Et puisque nous devrions être à Cannes en ce moment, nous avions envie cette semaine de revenir sur des gestes cinématographiques forts de cinéastes soutenus par l'ACID avant de recevoir la plus prestigieuse récompense cannoise.


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Les cinéastes et l'équipe de l'ACID



PROPOSITIONS VOD - FUTURES PALMES D'OR

L'ESQUIVE d'Abdellatif Kechiche


Abdelkrim dit "Krimo", quinze ans, vit seul avec sa mère dans une H.L.M. de la banlieue parisienne. Il traîne son ennui dans sa cité avec Fathi, son meilleur ami, et leur bande de potes. Un beau jour, Krimo craque pour la malicieuse Lydia, une copine de cours. Mais le jeune homme n'est guère bavard et a une réputation à tenir. Comment déclarer sa flamme à la jeune fille sans perdre la face ? Une solution s'impose : soudoyer Rachid, partenaire de scène de Lydia, pour reprendre le rôle d'Arlequin dans Les Jeux de l'amour et du hasard de Marivaux, que certains élèves de la classe montent pour la fête de l'école. Ce que Krimo n'ose avouer à Lydia, Marivaux le fera à sa place. Mais l'audacieuse manœuvre vire au parcours du combattant pour le timide jeune homme.


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UZAK de Nuri Bilge Ceylan


Un photographe, hanté par un sentiment de vide entre sa vie et ses idéaux, se trouve obligé d'accueillir chez lui un jeune parent qui a quitté son village à la recherche d'un travail sur un bateau pour partir à l'étranger.


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UN PEU DE LECTURE...

« On pouvait croire la quête d'Orphée remisée au rang de vieille lune coctalienne, et la voici ici ravivée : le pari est rare, signe d'un beau courage, battant en brèche les modes. Vif-Argent arrive comme un réconfort pour rassurer notre croyance dans le cinéma à faire se rencontrer des mondes a priori hermétiques, en refusant l'inéluctable. »

« Le film fait dialoguer ensemble les morts et les vivants, incarnés avec douceur et sans ironie : finesse des comédiens, de leur voix, de leur visage et de leur peau, sensuellement irradiés d'une lumière franche, sertis du lyrisme de la musique. Armé d'une mémoire cinéphile qui veille en amitié et agit comme un moteur souterrain encore plein de vie, il faut faire preuve d'une audace et d'une ambition peu communes pour organiser une si belle circulation, tout un jeu de passages (secrets), dans des espaces urbains que l'on croyait déjà connaître et qui se font limbes ou Styx, par la vigueur et la simple joie de la mise en scène. La grâce du film tient aussi à ce qu'il ménage des brèches vers des ailleurs lumineux, à sa façon si délicate de recueillir les souvenirs, dans des écrins de paroles et d'images, et à ce qu'il s'attache autant à la simple matérialité des choses, selon un romantisme sans pompe, littéral et mystérieux. »


Les cinéastes Aurélia Barbet, Michaël Dacheux & Clément Schneider à propos de VIF-ARGENT de Stéphane Batut




...ET DE LA MUSIQUE

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Bonnie Prince Billy - "I See a Darkness"

Au générique de NE CROYEZ SURTOUT PAS QUE JE HURLE de Frank Beauvais


Ce sentiment quand on peut enfin sortir sans attestation

(images tirées de MERCURIALES de Virgil Vernier - Programmé à l'ACID Cannes 2014)


 > Contenu à retrouver également sur les sites de nos partenaries Mediapart et Télérama <


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