On voit régulièrement fleurir des années à thèmes. Année de la femme, des enfants, des droits de l'homme. Dans le monde du cinéma, l'année qui vient de s'écouler depuis la dernière grand messe cannoise mériterait sans doute d'être gratifiée du titre « d'année de la diversité » tant ce mot est devenu un incontournable des nombreuses concertations qui agitent la profession depuis le Maravalgate.
La pluralité des regards étant un des chevaux de bataille de l'ACID depuis sa création, nous devrions nous réjouir de cette prise de conscience générale. Enfin un sursaut face à l'uniformisation de l'offre cinématographique, conséquence de l'hyperconcentration du secteur qui fait que les 10 premiers films sont présents chaque semaine sur 92% des écrans. Oui mais voilà, de même qu'il n'y a pas qu'un seul public, la diversité est multiple, le divers des uns est le mainstream des autres. Et évidemment, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions et de faire bouger les curseurs, les choses se compliquent…
Pendant ce temps, les films qui prennent le risque de nous étonner, de renouveler notre regard sur le monde, de nous faire découvrir de nouveaux acteurs, qui ouvrent un champ d'expérimentation, bref ce terreau fertile sans lequel la création cinématographique finira par se tarir, peinent toujours autant à entrer dans suffisamment de salles.
S'il est une diversité sur laquelle nous voudrions attirer l'attention, c'est celle des moyens, qu'ils soient de production ou de distribution. Une diversité des échelles qui fait qu'à côté des grosses machines doivent continuer à vivre ceux qui créent en lisière de l'industrie cinématographique, suivant un modèle qui relève souvent de l'artisanat. Car ces films dont les budgets sont bien inférieurs à ceux de certains géants aux pieds d'argile dont les sorties monumentales se soldent par des pertes économiques abyssales, sont non seulement nécessaires au renouvellement de la création et des créateurs, mais se révèlent également viables économiquement. Si on leur laisse leur chance, grâce à une exposition intelligente, ces films savent trouver leur public. Les succès de films comme cette année Au bord du monde ou 2 automnes 3 hivers sont là pour nous le rappeler. Malheureusement, ces réussites sont éclipsées par la publication de chiffres où n'est comptabilisé qu'un nombre d'entrées en valeur absolue ne tenant pas compte du nombre de séances occupées ni des frais de sortie…
S'il est malgré tout un point sur lequel on peut s'accorder, c'est qu'en dépit du flou qui l'entoure, cette diversité si chère à tous aura permis d'exprimer une prise de conscience d'un dysfonctionnement du système du cinéma français, et notamment des secteurs de la distribution et de l'exploitation, maillons essentiels de la vie des films, auxquels l'ACID s'est consacrée depuis sa création il y a plus de 20 ans. Et de faire que certaines de nos revendications historiques comme la limitation du nombre d'écrans occupés par un même film par zone de chalandise (le manifeste ACID « Libérons les écrans » date de 2004 !) finissent par être partagées par une grande partie de la profession. Tout comme est enfin reconnue la nécessité de mieux encourager les comportements les plus « vertueux » en ajustant les soutiens publics.
Le CNC s'est fixé l'horizon de l'été 2014 pour changer les règles du jeu. Nous serons vigilants, avec les autres organisations indépendantes qui siègent chaque semaine à la table des discussions « Post assises du cinéma », à ce que ces changements tiennent compte de toutes les diversités.
D'ici là, et parce que votre appétit à découvrir les films que nous défendons va en grandissant chaque année, nous vous accueillons à Cannes pour cette édition 2014 dans une jauge élargie qui permettra à tous de trouver une place à nos séances du soir. Après que tous les films de notre édition 2013 aient trouvé distribution grâce à cette exposition cannoise, les cinéastes de l'ACID ont fait, cette année encore, le même pari de mettre en lumière un ensemble de regards et d'écritures singuliers, des œuvres ambitieuses que ce soit en documentaire ou fiction, dont nombre de premiers films. Toutes les équipes, hommes et femmes d'horizons divers, seront là à chaque projection pour dialoguer avec vous et réaffirmer leur attachement à la salle de cinéma qui rend ce dialogue possible.
Emmanuel GRAS et Frédéric RAMADE,
Coprésidents de l'ACID
Un film de Claudine Bories et Patrice Chagnard
Sortie le : mercredi 07 janvier 2015
L'affiche est signée par Natalia Olbinski.
En partenariat avec l'ENSAD.