Il y a des films qui sont des ponts entre deux mondes. Des films où les morts et les vivants communiquent. Il y a un cinéma qui rend possible ces liens mystérieux. Nouk entre dans un lac glacé, Samuel la sauve. C'est ainsi que nous avançons dans le récit de La Fille et le fleuve et c'est une histoire d'amour qui devient soudain possible. Le temps passe, Nouk a besoin de Samuel, mais Samuel n'est plus certain de son attachement envers celle qu'il a empêchée de rejoindre l'autre rive. Alors, quand le destin décide de frapper le jeune homme et que la séparation a lieu, « être ensemble » devient pour Nouk une question de vie ou de mort.
Mais la mort est une administration ; elle a ses failles ; c'est heureux ! La vie aussi a ses failles ; la vie est pleine d'interférences ! Commence alors le beau pari du film d'Aurélia Georges et pour le relever, nous entrons en territoire de cinéma ami ; un cinéma qui n'a pas peur du poétique, qui ose le fantastique. On pense à Kyoshi Kurosawa ou à Kore-Eda (et à son merveilleux After Life), mais aussi à Jean Claude Biette et cette double proximité nous enchante parce qu'elle est inattendue et audacieuse. Comme l'est cette rencontre - du côté des vivants -, avec ce dandy « mods » assis sur le rebord d'un pont, en transit entre Bagnolet et le Pays des Morts. Ou celle - du côté des morts -, avec Mileva Einstein qui n'a pas sa langue dans la poche lorsqu'elle parle d'Albert. Il y a des films comme La Fille et le fleuve qui sont des poèmes précieux. Ils sont de plus en plus rares et c'est ce qui les rend indispensables.