Le temps file et pourtant… il demeure tant que Dominique Cabrera se remémore, retient et collectionne avant que tout ne se désagrège - des semblants de petits riens du quotidien d'une famille aux ponctuations traumatiques qui balisent les passages d'une lignée ici-bas.
Immortaliser la somme de ces moments vécus dans le chaos de l'existence, l'exercice est déjà périlleux pour la quiétude de l'esprit ; mais s'y prêter pour tenter de (re)construire un récit en images - qui fasse sens pour soi-même, les siens et autrui - relève de la haute voltige. Car on ne fait pas impunément cinéma de sa famille ; la transgression guette et beaucoup s'y perdraient.
Contre vents et marées, angoisses et insomnies, la cinéaste s'y attelle pourtant sans jamais lâcher prise. Constante dans sa quête et bien consciente du précipice au-dessus duquel elle évolue, elle se meut avec une infinie grâce, alliée à sa caméra, libre et vivante, qui vibre et respire à l'unisson de ses corps et âme - légère et grave, fébrile et joyeuse.
Ce faisant, en questionnant sans relâche la généalogie singulière de son identité, elle réussit à interroger la nôtre ; en tentant de compenser sa perte, elle s'évertue à combler les nôtres. Et l'amour irradie de partout, gorgé de générosité et de respect, de pudeur et de tendresse, il circule à l'écran, d'une époque à l'autre, entre protagonistes et générations – présentes ou disparues.
C'est là une des grandes vertus de ce cinéma ; mélancolie et obsession guettent, mort et effacement rôdent, mais il ne cesse de respirer la vie.