Le Filmeur

Un film de Alain Cavalier

Le Filmeur

Un film de Alain Cavalier

Pays non indiqué - 2004 - 97 min

Le journal intime filmé du réalisateur Alain Cavalier. Les premiers plans du film ont été tournés en 1994. Les dernières images datent de 2005. Plus de dix ans de vie en cent minutes de projection.

Avec :
Judith Cahen , Stanislas Merhar , Ariane Ascaride , Gérard Meylan , Marie Balmelle , Denis Jacno et Jean-Pierre Kalfon

Sorti le 21 septembre 2005

Sortie non communiquée

À propos du Filmeur

Un homme face à la mer, c'est le premier plan du film. C'est un plan large : un homme en contre-jour face à aux vagues. Maintenant, on voit la vague toute seule, une main apparaît devant l'objectif, cherchant à boucher la vue, c'est la main de l'homme, off, une voix féminine proteste en riant, c'est donc elle qui filme. Elle filme l'homme qu'elle aime et qui la filmait elle dans La rencontre. On reconnaît sa voix si particulière, grave, mouillée, enfantine, agaçante et attendrissante. Maintenant, on la voit, en ombre chinoise à son tour et en plan fixe, elle est devant la fenêtre d'un hôtel au bord de la mer, elle s'essuie les cheveux. Voilà que le cinéaste entre dans le champ, il joue à étouffer Françoise avec la serviette, ils rient tous les deux. Dans la séquence suivante, c'est lui qui filme longuement, qui traque presque le visage, les gestes d'une silhouette enfouie sous les étoffes qui mendie sur les Champs-Elysées, figure de la femme, de l'ailleurs, de la misère et de la mort. Françoise revient, c'est la nuit et son visage devient masque, mystère, elle a peur, elle est angoissée, elle chuchote. Nous sommes dans la chambre, c'est à lui qu'elle parle et nous l'entendons comme si elle parlait à chacun de nous. Voilà ! ces quatre séquences donnent à voir le film dans ses allers retours entre les éléments, l ‘amour et la mort, l'extérieur et l'intérieur, le monde et la chambre. Le cinéaste joue avec la caméra comme s'il faisait un film de vacances, il se laisse guider par ce qu'il filme mais il peut aussi tracer radicalement le champ et le hors-champ, la lumière et les ombres. Toute la grammaire du cinéma est là, orchestrée avec les moyens du bord, la matière que les vagues de la vie apportent chaque jour. Plus tard, on reviendra dans la chambre de l'hôtel au bord de la mer, dans le plan fixe et en ombre chinoise, Françoise dira : « Le bonheur, c'est se foutre au lit… Ce que l'on vit c'est unique, moi je le vis unique. » Ce film, c'est cela, la trace unique de l'existence d'un cinéaste, d'une personne qui donne au cinéma un fragment de son existence concrète, matérielle et spirituelle, banale et extraordinaire. Jean Renoir rapportait l'amour d'Auguste son père pour les tables fabriquées par un artisan dont on sentait le geste et sa haine des chaises industrielles faites par personne. Ce film, c'est cela. Quelqu'un fait un film. En respirant l'air de ce film, on se rend compte combien c'est rare et comment les films sont de plus en plus contaminés par l'air d'un temps qui enjoint de vendre d'abord, de vendre toujours et de vendre tout. Dans Le Filmeur, on est ailleurs, autrefois peut-être, ou plus tard, j'espère. On est dans la résistance. Résistance sans armes, force des faibles, un homme avec une petite caméra dans la main fait face à l'amour, à une femme, à ses parents, à la mort, au temps qui le ronge, à l'argent, au métier, face à tout, face au grand tout. Dans La Rencontre Alain Cavalier avait pris appui sur la beauté. C'était le film d'un virtuose célébrant la matière du monde. Il jouait pour notre plaisir à cache-cache avec les choses, avec les voix, les formes et les couleurs et avec lui-même. Cette fois, il se place de plain-pied devant la banalité, à égalité, en compagnon avec le spectateur. Il filme les corps comme ils sont et d'abord son visage dans la maladie, la vieillesse et les formes pleines de la femme qu'il aime. Par son regard sans jugement il nous restitue la grâce du quotidien. Tout est donné à qui ne veut rien prendre. Les mésanges, les chats, les corbeaux se laissent petit à petit approcher par ce guetteur patient. C'est une modeste conquête. Elle est fondamentale, on pourrait l'appeler celle de la respiration. « Parler et filmer en même temps, j'y suis pas encore. » dit-il. Pas à pas, il y parvient. C'est parce qu'il parvient au fur et à mesure du film et de la vie à être de plus en plus juste et simple avec le projet de faire un film, avec nous, donc avec lui-même. A la manière de Montaigne, il nous livre alors ce que Baudelaire appelait « (...) Seigneur, le meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge et vient mourir au bord de votre éternité !" Il nous restitue à travers la sienne, la trivialité et le miracle de nos vies, de toutes les vies qui cherchent encore et encore à aspirer un peu du miel de la vie. Sa mère, de plus en plus âgée, immobile dans son lit, rit, appelle de sa voix musicale « Alain, Alain ! » Elle soupire : « Il m'abandonne au moment où il fait le plus sombre dans mes yeux et dans mon cœur. Ah ! je suis malheureuse à cette heure-là… J'ai envie de causer ! Et personne ne vient me voir. » Elle chantonne encore : « Alain, Alain » et lui cherche en filmant la sortie, le couloir, la porte, la lumière. Plus tard, il dira : « Quand j'arrive je suis tendu furieux, quand je pars je suis plus tolérant, plus nostalgique, tendre. » 


Nous aussi, monsieur Cavalier. Merci.

Dominique Cabrera

 - 

Cinéaste


Paroles de cinéastes

Ground Control to Major Tom - News #2

DES PROPOSITIONS VOD POUR PRENDRE L'AIR

Vous êtes plutôt branchés Groenland ou Portugal ?

LE VOYAGE AU GROENLAND de Sébatien Betbeder

Thomas et Thomas cumulent les difficultés. En effet, ils sont trentenaires, parisiens et comédiens... Un jour, ils décident de s'envoler pour Kullorsuaq, l'un des villages les plus reculés du Groenland où vit Nathan, le père de l'un d'eux. Au sein de la petite communauté inuit, ils découvriront les joies des traditions locales et éprouveront leur amitié.


Soutenu par l'ACID en 2016 - A regarder en VOD ici


TERRA FRANCA de Leonor Teles

Sur les berges du Tage au Portugal, un homme vit entre la tranquillité du fleuve et les relations qui le rattachent à la terre. Filmé aux quatre saisons, Terra Franca fait le portrait de la vie du pêcheur Albertino, entouré de sa femme Dália et de ses filles, dont l'aînée s'apprête à se marier. La fin d'un cycle de vie, à hauteur de barque et de regard.


Programmé à l'ACIDTrip #2 (Cannes 2018) puis soutenu à sa sortie - A regarder en VOD ici


UN PEU DE LECTURE...


« Le bonheur, c'est se foutre au lit… Ce que l'on vit c'est unique, moi je le vis unique. »
 
« Un homme face à la mer, c'est le premier plan du film. C'est un plan large : un homme en contre-jour face à aux vagues. Maintenant, on voit la vague toute seule, une main apparaît devant l'objectif, cherchant à boucher la vue, c'est la main de l'homme, off, une voix féminine proteste en riant, c'est donc elle qui filme. Elle filme l'homme qu'elle aime et qui la filmait elle dans La rencontre. On reconnaît sa voix si particulière, grave, mouillée, enfantine, agaçante et attendrissante. Maintenant, on la voit, en ombre chinoise à son tour et en plan fixe, elle est devant la fenêtre d'un hôtel au bord de la mer, elle s'essuie les cheveux. Voilà que le cinéaste entre dans le champ, il joue à étouffer Françoise avec la serviette, ils rient tous les deux. Dans la séquence suivante, c'est lui qui filme longuement, qui traque presque le visage, les gestes d'une silhouette enfouie sous les étoffes qui mendie sur les Champs-Elysées, figure de la femme, de l'ailleurs, de la misère et de la mort. Françoise revient, c'est la nuit et son visage devient masque, mystère, elle a peur, elle est angoissée, elle chuchote. Nous sommes dans la chambre, c'est à lui qu'elle parle et nous l'entendons comme si elle parlait à chacun de nous.

Voilà ! ces quatre séquences donnent à voir le film dans ses allers retours entre les éléments, l'amour et la mort, l'extérieur et l'intérieur, le monde et la chambre. Le cinéaste joue avec la caméra comme s'il faisait un film de vacances, il se laisse guider par ce qu'il filme mais il peut aussi tracer radicalement le champ et le hors-champ, la lumière et les ombres. Toute la grammaire du cinéma est là, orchestrée avec les moyens du bord, la matière que les vagues de la vie apportent chaque jour. [...] »


La cinéaste de l'ACID Dominique Cabrera à propos de LE FILMEUR de Alain Cavalier



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...ET DE LA MUSIQUE

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Morceau entendu dans LA JEUNE FILLE SANS MAINS de Sébastien Laudenbach


Et pour celles et ceux qui sont plutôt team podcasts ; on vous propose de réécouter la cinéaste Yolande Zauberman, qui a récemment reçu le César du Meilleur Documentaire pour M, dans "Signes des temps", l'émission de Marc Weitzmann sur France Culture : « Quand le documentaire et la fiction s'entremêlent ».


« Godard a dit quelque part qu'une bonne fiction doit toujours être un documentaire de la même façon qu'un bon documentaire est toujours une fiction »


QUELQUES BONNES NOUVELLES (SI,SI)

On n'avait pas eu le temps de vous l'annoncer avant le début du confinement ; les Cinéastes de l'association se sont récemment engagés sur trois nouveaux soutiens. Nous vous tiendrons bien entendu au courant des dates de sortie.

  • EVA EN AOÛT de Jonás Trueba
    Espagne / 2019 / 2h09 / Prod. Javier Lafuente / Arizona Distribution

Eva, 33 ans, décide de rester à Madrid pour le mois d'août, tandis que ses amis sont partis en vacances. Les jours s'écoulent dans une torpeur madrilène festive et joyeuse et sont autant d'opportunités de rencontres pour la jeune femme.

+ d'infos ici - Sortie début juillet

  • 143, RUE DU DÉSERT de Hassen Ferhani
    Algérie, France, Qatar / 2019 / 1h40 / Centrale Electrique, Allers Retours Films / Météore Films

En plein désert algérien, dans son relais, une femme écrit son histoire. Elle accueille, pour une cigarette, un café ou des œufs, des routiers, des êtres en errance et des rêves... Elle s'appelle Malika.

Date de sortie à venir

  • MAUDIT ! de Emmanuel Parraud
    France / 2019 / 1h15 / Spectre Production, A VIF cinemas, Studio Orlando, Studio Acoustik, The Dark

Alix part à la recherche de son ami disparu dans une île hantée par les fantômes du colonialisme et de l'esclavage.

Date de sortie à venir

Par ailleurs, l'appel à candidatures pour le Coup de Cœur des jeunes ACID / France Culture est toujours ouvert et ce jusqu'au 15 avril 2020 minuit.

Si vous connaissez des étudiant-e-s qui souhaitent faire partie du jury, découvrir la sélection de films et voter, n'hésitez pas à leur transmettre les informations !


ET POUR FINIR, LE PLEIN D'AUTRES PROPOSITIONS CINÉPHILES


  • La salle marseillaise La Baleine et Shellac proposent une sélection de films (nouveautés, reprises, films de patrimoine) à découvrir en VOD le temps de la fermeture de la salle ; ainsi que des rendez-vous virtuels sur Facebook et un événement par semaine autour d'un film en chat room.

  • Le Cinéma du Réel continue sa vie en ligne : du 20 mars au 4 avril, 9 films de la sélection française 2020 sont à découvrir en exclusivité et en accès libre sur Festival Scope. Par ailleurs le Palmarès de l'édition 2020 vient d'être dévoilé.

  • Le Film français offre l'accès gratuit au magazine et à tous ses contenus par ici.

  • Accès offert pour le dernier SoFilm également (ici). On y lit, entre autres, une belle critique de KONGO.

  • Deux films de la cinéaste ACID Marina Déak sont en ligne :

   > POURSUITE (soutenu par l'ACID en 2011) ici. Mot de passe : Poursuite
   > SI ON TE DONNE UN CHÂTEAU, TU LE PRENDS? ici. Mot de passe : DIS MOI OU TU HABITES

  • Un petit tour par le Canada pour profiter d'un accès totalement gratuit à la vidéothèque de l'ONF (Office National du Film du Canada), par les Pays-Bas, ou encore par l'Italie : la Cinémathèque de Milan a mis en ligne et en accès libre l'intégralité de son catalogue (il suffit de s'inscrire ici). Mais aussi des options de films, tables rondes, festivals à domicile pour celles et ceux qui nous liraient depuis la Suisse.

  • UniversCiné passe une sélection de plus de 200 films à 0,99 euros...

  • ... La Cinetek quant à elle propose une liste spéciale réconfort - plutôt bienvenue, non ?

  • ... enfin, L'INA a lancé Madelen, sa plateforme de streaming qui regorge de classiques du cinéma français, émissions cultes, documentaires, concerts mythiques, etc. Les trois premiers mois sont gratuits - ça devrait tenir le temps du confinement.

  • D'ailleurs, face à la fermeture des salles de cinéma, les plateformes de VOD art et essai sont en plein essor. Analyse du Monde à lire ici.

Ça y est, tout le monde s'est remis au sport ?

(Photo tirée de VOYAGE AU GROENLAND, Sébastien Betbeder - Soutenu par l'ACID en 2016)

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