Alors que souffle, souffle la tempête, les heureux programmateurs de cette sélection (dont je suis) ont pu constater que les jeunes et moins jeunes cinéastes du monde ont envie de tenir bon, ont besoin de tenir bon. Ils font des films coûte que coûte, travaillent malgré tout, avec ou sans moyens… Les images en mouvement et les sons qu'ils nous ont envoyés sont autant de signes de vitalité, de courage, de persévérance, d'espoir, de désir. En France aussi, à l'instar de pays moins dotés (vigueur du Mexique, de la Turquie, de la Chine…), de jeunes réalisateurs se battent contre une idée de la culture de luxe, une culture uniforme et installée. La diversité, la différence, sont essentielles pour eux. Désir de rencontrer les spectateurs, leur regard, leur pensée et leur cœur. « The show must go on » semblent dire ces cinéastes, ils veulent jouer encore, regarder le monde, montrer le monde, avec d'autres yeux, d'autres oreilles, par d'autres voix, sous d'autres angles, par d'autres fenêtres. Les cinéastes membres de l'ACID sont animés de ce même désir de faire voir et jouent ici un rôle de passeurs. Pour qu'à la question : « Qu'est-ce qui se joue au cinéma ce soir ? » on puisse répondre : « Un cinéma-grain-de-sable (par opposition à grande machine) ».
Aurélia Georges, coprésidente de l'ACID
La formule péremptoire lancée par un spectateur « professionnel » à l'issue du film que je viens de voir n'est-elle pas révélatrice des temps qui courent ? Aujourd'hui des choses « le font » et d'autres « ne le font pas » et les notions d'apparence priment souvent sur celles d'appartenance... Serait-ce symptomatique de la période que nous traversons ? Pour que mon EDITO CANNES 2010 fasse un peu plus cinéma, dois-je l'écrire au format 2,35 ? Alors que la pellicule disparaît des magasins de caméra, que les laboratoires argentiques ferment un à un, que les salles de cinéma s'équipent une par une en numérique, nombreux sont les cinéastes indépendants qui s'inquiètent de cette nouvelle donne. L'arrivée de gros tuyaux permettant d'inonder, n'importe où, n'importe quand, n'importe quelles images numériques, sera-t-elle l'ouverture d'une nouvelle boîte de Pandore ? Des exploitants de salles indépendantes confondront-ils un jour « l'art et essai » avec « l'art de l'essai » (formule emprunté à Joël B, fan comme moi du rugby et du 7e art) ? Faut-il s'attendre, dès cet été, à des projections de matches de foot dans des salles obscures pendant la coupe du monde en Afrique du Sud ? Les salles de cinéma que l'on a vénérées pour avoir vécus grâce à elles bien des voyages continueront-elles de « faire cinéma » ? Alors que certains s'accordent depuis quelques temps déjà pour clamer qu'il y a « trop de films » (sans jamais tomber d'accord lorsqu'ils s'agit de désigner ces films ou de pointer le nombre de copies de celui-là...), combien d'écrans deviendront-ils encore plus pâles lorsqu'il s'agira d'accueillir une certaine idée de cinéma face à la nouvelle offre numérique et les possibilités de projeter du « hors film » qui paraîtront peut-être « plus le faire »... pour remplir une salle ?
Malgré ces inquiétudes, une quinzaine de cinéastes se sont mobilisés à l'ACID pour visionner près de 200 longs-métrages et vous en proposer cette année encore 9 à Cannes. Des femmes et des hommes qui s'engageront derrière des écrans, toute l'année, comme chaque fois, pour faire partager à des spectateurs des films qu'ils ont aimés. Ne comptez pas ici sur moi pour vous dire lequel de ces 9 films « fait le plus cinéma » et souhaitons juste que des cinéastes, au milieu de tuyaux qui ne cessent de surgir pour imposer souvent un même produit, trouvent toujours le temps et l'énergie de se réunir bénévolement afin de continuer à vous proposer des cinématographies d'autres cinéastes, différents, mais qui « sont »... tout simplement !
Gilles Porte, coprésident de l'ACID
Un film de Fabrice O. Joubert
Un film de Collectif des cinéastes pour les « sans-papiers »
Un film de Tatjana Turanskyj
Un film de Damien Manivel
L'affiche est signée par Thierry Guitard.