Plan américain

Gilles
Porte

Cinéaste

« Le plan américain » consiste à filmer un acteur ou une actrice en le coupant au niveau de la hanche.

Apparue avec les premiers westerns, cette coupe permettait de cadrer les cow-boys au cinéma en préservant leurs crosses de revolvers alors qu'auparavant le réalisateur filmait un acteur en pied ou le coupait au niveau de la poitrine et plus haut encore...

A l'heure où la vie des films dans les salles obscures ressemble de plus en plus au MASSACRE DE FORT APPACHE quand John Ford dénonçait, en 1948, la corruption, la vanité et le mauvais ménage ainsi que le racisme contre les indiens, je trouve opportun de rendre ici un hommage à une valeur de cadre qui j'affectionne particulièrement.

Si de moins en moins de westerns sont projetés sur des toiles blanches constatons qu'il peut nous arriver aujourd'hui de croiser un joueur de rugby, cadré comme un cow-boy, lorsqu'il se dirige vers l'embut adverse avec le ballon sous le bras, dans des lieux édifiés pourtant pour la défense des oeuvres cinématographiques. 

Si je n'ai absolument rien contre un « cadrage-débordement » qui a lieu dans une enceinte sportive, je suis plus dubitatif lorsque celui-ci est projeté là où j'attends de voir d'autres images et d'entendre d'autres sons.

La multiplication des programmations de contenus non cinématographiques dans les salles de cinéma répond-elle à la difficulté pour certains films de trouver des écrans ?

Les opéras du Metropolitan de New York, les concerts de rock, les ballets de l'Opéra de Paris, le théâtre, la promotion d'une nouvelle série télévisée, le rugby et le foot (pour ne citer que ça !) constitueront-ils « le Cheval de Troie » du cinéma d'auteur afin de la noyer totalement dans le grand bain commun des divertissements audiovisuels ?

Au sein de l'hexagone, la proportion des salles de cinéma équipées en numérique avoisine aujourd'hui les 50% d'écrans. Parallèlement, le « hors-film » fait étrangement écho aux vœux de notre ministre de la culture et à ceux qui considèrent qu'il y a déjà trop de films.

Alors, avant que la pellicule argentique ne soit uniquement réduite au statut d'écharpes pour festivaliers nostalgiques, ouvrons encore notre réserve ACID à ces indiens qui se battent pour la sauvegarde de certains territoires sans oublier l'origine du « plan américain » qui nous permettra tous les jours de garder un oeil au niveau de la ceinture de nos interlocuteurs afin de vérifier si les revolvers sont sortis ou pas...

Gilles Porte

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Cinéaste


Publié le jeudi 09 novembre 2017

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