La faute aux pauvres


Cinéastes de l'ACID

Certains expriment désormais tout haut ce que d'autres pensent tout bas : il y aurait trop de films et – bingo, voici la solution miracle – il faudrait que les pouvoirs publics cessent de financer les « petits » films afin d'abonder les plus gros, « porteurs de l'identité culturelle de la France.»

On n'arrête jamais le progrès : s'il leur fallait déjà lutter à armes très inégales pour être diffusés, il faudrait désormais que les films à petits budgets cessent même d'exister. Si le discours n'a rien de neuf chez quelques représentants de l'industrie, il semble peu à peu contaminer un certain nombre d'acteurs pourtant défenseurs de l'exception culturelle dans d'autres sphères, mais qui voient avec effroi leurs financements traditionnels s'effondrer et ne trouvent d'autre recours que de s'en prendre aux plus « petits » qu'eux. Classique. Comme d'habitude, c'est la faute aux pauvres : ils prennent trop de place (4% des écrans, 3% des investissements privés), ils se reproduisent trop... Pas de réflexion sur la surproduction de produits formatés en vue de leur futur passage TV, sur la surexposition de certains titres qui empêchent d'autres d'être vus, sur la réelle économie des « petits » films souvent bien plus « rentables » que les autres, sur la marge, le cahier, la recherche, le développement, la prise de risque, et – attention vilains mots – les légitimes différences d'objectifs entre les financements publics et privés.


Allez exit les pauvres, rayés de l'histoire. Exit Robert Bresson, John Cassavetes et David Lynch. Inutiles aussi Chris Marker, Satyajit Ray, Jim Jarmusch. Pensée émue pour Stanley Kubrick, Gus Van Sant et Agnès Varda dont les budgets des premiers films ne dépassaient pas 50 000$...


La concentration des richesses sur quelques oeuvres par la paupérisation des autres : tellement moderne, tellement dans l'air du temps.

La vraie modernité serait d'inventer une perspective commune, collective pour « cultiver nos légitimes étrangetés » sans les opposer ni les étouffer.


> Et déjà en 2005 le résultat des César faisait grogner...

> Déclaration des droits de la Culture adoptée par les Etats Généraux de la culture en 1987

Cinéastes de l'ACID


Publié le mercredi 03 avril 2019

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