Je me souviens de la première fois où j'ai vu un film de Claire Simon : personne n'avait écrit ni les dialogues, ni la moindre scène du film à l'avance. Et moi, je les trouvais formidables, si justes et drôles. Ça avait l'air si simple, comme ici : la cinéaste filme, les enfants deviennent des héros et la cour de récréation la scène de leurs exploits.
J'aime ce film. Parce qu'il y a des acteurs et qu'ils jouent. Ils Interprètent, ils expérimentent pour la première fois ce qui leur arrive, inventant même ce qui va les transformer, les dominer. Le spectateur reste assis, les enfants ne jouent pas « pour de la fausse ». Nous y sommes, avec les marronniers, la cloche et les bâtons tombés des arbres. Quelque chose nous apparaît, aussi vrai que nous l'avions imaginé aussi juste que nos souvenirs les plus cachés. Là, au pied des grands arbres, contre un mur, le dialogue entre les enfants arrive sans prévenir, les coups également. Les gestes parlent pour eux, à côté des mots. Il y a du suspens, des silences, des hésitations, des pleurs.
Deux ou trois fois par jour, les enfants tout entiers partent à l'assaut de leurs semblables, de tout et d'eux-mêmes. Les acteurs s'essayent à tous les drames de tous les genres : les indiens et les cow-boys, les bandits et les flics, les femmes et les maris, les soumis et les caïds. C'est ça la récréation, filmée par Claire Simon. (Comme disait le journaliste sur France Inter : ça ! c'est du cinéma !)